La France en ouverture à Lille

par

Tristan Murail et Quentin Hindley © tous droits réservés

Tristan Murail (1947) : Réflexions/reflets, création française
Thierry Escaich (1965) : Improvisations à l’orgue
Francis Poulenc (1899-1963) : Concerto pour orgue, orchestre à cordes et timbales en sol mineur Stabat Mater
Orchestre National de Lille, Jean-Claude Casadesus et Quentin Hindley, direction – Nicole Cabell, soprano – Thierry Escaich, orgue – Chœur Régional Nord-Pas de Calais
Pour son concert d’ouverture de saison, Jean-Claude Casadesus s’attaque brillamment à la musique de Poulenc.

En première partie, ce fut l’occasion de découvrir un jeune chef, Quentin Hindley, dont la mise en perspective de l’œuvre de Tristan Murail fut assez remarquable. Travail sur le matériau sonore, sur la décomposition d’un son en partiels et harmoniques pour une œuvre en deux parties commandée par le BBC Symphony Orchestra, la Casa da Musica et de Musique Nouvelle en Liberté (ONL). Pour le premier mouvement inspiré du poème de Baudelaire « Quand le ciel bas et lourd », Murail explore toutes les caractéristiques instrumentales possibles. Hindley maîtrise avec souplesse tant l’aspect sombre que le caractère refermé et emprisonné. Le second mouvement se rapproche davantage d’un feu d’artifice, une réelle explosion de sons, de dynamiques et de contrastes. Cette agitation répétée, le chef en sort vainqueur. Gestes précis, battue fluide, main gauche libérée d’une métrique difficile et large panorama de contrastes, tous saisissants. Thierry Escaich présente ensuite une improvisation à l’orgue où se reflètent une multitude d’informations dans un discours fluide. On apprécie les nombreuses transformations des jeux de l’orgue et l’étendue des différents claviers et du pédalier. L’orgue est un orchestre à lui seul, une belle manière d’introduire le Concerto pour orgue de Poulenc. Sous la baguette de Jean-Claude Casadesus, tout juste rentré de la tournée en Chine, l’ONL surprend ce soir par une cohésion et une homogénéité sans précédant. Juste pour cordes et timbales, on est frappé par l’énergie commune et la précision des attaques. Très beau dialogue avec Escaich qui libère l’orchestre de toute contrainte éventuelle. Casadesus invite le pupitre des cordes, impressionnant ce soir, à ne jamais disparaître face à la robustesse de l’orgue. Plamena Mengova, lors du Piano Lille Festival, disait : « On dirait le Berliner Symphoniker ». Si à l’époque, ce propos nous semblait démesuré, ce soir, il prend toute sa place. Les artistes défendent l’œuvre avec ferveur, puissance et générosité, à l’image historique de sa composition.

Le Choeur Régional Nord-Pas de Calais © tous droits réservés
Le Choeur Régional Nord-Pas de Calais © tous droits réservés

En deuxième partie, le Chœur Régional Nord-Pas de Calais prend place en arrière scène pour le Stabat Mater de Poulenc. En hommage à son ami Christian Bérard, peintre et décorateur de théâtre, Poulenc imagine une œuvre bouleversante dans laquelle il transpose sa tristesse et son émotion.  L’harmonie y est plus délicate, tantôt sombre tantôt ouverte à la lumière. Comme le Requiem de Fauré, l’œuvre de Poulenc est un petit bijou musical sans prétention. La baguette de Casadesus, toujours aussi expressive, gagne ce soir en précision dans un constant dialogue avec les choristes. Si par moment, l’orchestre dépasse de très peu le chœur, le chef modifie le flux et corrige rapidement les problèmes de balance.  Parfois tendus dans les aigus, les choristes proposent une belle intonation et un texte clair. Ils sont accompagnés par le timbre sobre et doux de Nicole Cabell qui instaure à l’œuvre un beau moment d’introspection. Ses dynamiques, comme celles de l’orchestre et du chœur transcendent l’œuvre. Comme toujours, Casadesus fait figure de magicien dans la construction des phrases et de la forme en général. Il sait où il va et y parvient avec facilité. C’est donc un Orchestre National de Lille particulièrement en forme qui ouvre cette saison lilloise sur un programme passionnant. De belles choses à espérer pour la suite.
Ayrton Desimpelaere
Lille, Nouveau Siècle, le 4 octobre 2014

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