À devenir fou

par

Ludwig van BEETHOVEN
(1770-1827)

Symphonie n° 5 en do mineur op. 67–Symphonie n° 7 en la majeur op. 92
Pittsburgh Symphony Orchestra, dir. : Manfred HONECK
2015-DDD–77’ 27’’–Texte de présentation en anglais–Reference Recordings

Le 18 avril 1835, Hector Berlioz rendait compte d’une exécution de la Cinquième Symphonie de Beethoven au Théâtre des Italiens à Paris et écrivait : « Mme Malibran en entendant pour la première fois ce morceau fut saisie d'une attaque de nerfs si violente qu'il fallut l'emporter hors de la salle […] pendant qu'un vieux militaire, levant les bras au ciel, s'écriait transporté : “C'est l'Empereur, c'est l'Empereur !“, et qu'un célèbre compositeur français, qui jusqu'alors avait regardé Beethoven comme un musicien dépourvu d'inspiration, avouait en tremblant de tous ses membres qu'il avait peur de devenir fou. » L’anecdote est amusante, oui, mais en même temps, elle dit fort bien qu’avec cette Cinquième Symphonie, comme avec la plupart de ses autres pour grand orchestre (dont la Missa solemnis), avec ses sonates pour piano et avec ses quatuors à cordes, Beethoven produit sur tous ceux qui écoutent ses œuvres quelque chose de totalement irrationnel et de totalement incomparable – quelque chose de démesuré qui a traversé les âges, les modes, les goûts, les humeurs et les innombrables turbulences de l’Histoire.
On a tous entendu des dizaines (des centaines ?) de fois cette extraordinaire Cinquième Symphonie et cette non moins extraordinaire Septième Symphonie, qu’a enregistrées à son tour, après tant d’autres, le chef autrichien Manfred Honeck à la tête du Pittsburgh Symphony Orchestra (Fritz Reiner, William Steinberg, André Previn ou encore Lorin Maazel l’ont successivement dirigé au cours de leur carrière), et pourtant on est chaque fois saisi d’émotion, chaque fois transporté, comme vaincu par la puissance inouïe, vertigineuse et abyssale de cette musique dionysiaque, comme maltraité, corps et âme, par le génie de cet homme atteint de surdité à l’âge de vingt-sept ans et qui, littéralement, a défié le monde.
À devenir fou.
Jean-Baptiste Baronian

Son 9 – Livret 6 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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