Tchaikovsky/Dvorak/Honeck au disque

par

0126_JOKERPiotr Ilitch Tchaïkovsky
(1840-1893) 
Symphonie n°6 en si mineur, Op. 74, « Pathétique »
Antonin Dvorak
(1841-1904)
Rusalka Fantasy (Arr. Honeck/Ille)
Pittsburgh Symphony Orchestra, Manfred Honeck, direction
2016-SACD-67’03-Textes de présentation en anglais-Reference Recordings-FR-720SACD

Dans quelques jours, BOZAR accueillera le Pittsburgh Symphony Orchestra, l’une des principales phalanges orchestrales américaines, sous la direction de son directeur musical, Mandred Honeck. L’occasion pour Crescendo de découvrir leur dernière parution consacrée à Tchaïkovski et Dvorak. La Symphonie n°6 en si mineur, dite « Pathétique » souffre encore aujourd’hui de nombreuses rumeurs et spéculations quant à sa genèse et sa création. C’est donc en toute logique que Manfred Honeck, qui signe ici l’excellent texte de présentation, évoque implicitement le Requiem de Mozart : un compositeur qui en 35 ans de vie a écrit plus de 600 pièces mais qui termine avec un Requiem lui aussi sujet à de nombreuses controverses.
L’a-t-il écrit en présage de sa mort ? A-t-il été empoisonné ? N’en n’aurait-il pas été de même pour le compositeur du Lac des Cygnes dont la vie aurait été marquée par un secret dévoilé au grand jour ? Selon Honeck, la version « originale et officielle » est la plus plausible : Tchaïkovski aurait négligemment bu un verre d’eau suspect. En effet, ce dernier prévoyait de nombreux voyages à travers le monde, comme l’atteste une lettre envoyée au compositeur norvégien Severin Svendsen. De plus, le docteur Bertenson dévoile l’infection de Tchaïkovsky par le choléra dans une lettre au frère du compositeur, Modest, nous éloignant ainsi du suicide. La Symphonie « Pathétique » est créée à Saint-Pétersbourg le 16 octobre 1893, sous la direction du compositeur. Dotée d’un programme « profondément subjectif », mais non dévoilé au public, l’œuvre se dessine entre le 4 février et le 24 mars 1893.Tchaïkovsky abandonne la tradition au profit d’une forme nouvelle : le finale, traditionnellement rapide, devient un Adagio ; le second mouvement se dessine comme une valse asymétrique à cinq temps, dont la métrique ne vient à aucun moment déstabiliser l’oreille. Œuvre évidemment autobiographique, elle regorge d’un nombre incalculable d’idées, d’atmosphères, de climats, et ce malgré la critique peu favorable à la création.
Hommage à Dvorak en seconde partie avec son opéra, Rusalka, qu’Honeck entend pour la première fois lorsqu’il est encore membre du Vienna Philharmonic. Fasciné par la richesse des idées et du travail mélodique, il se lance, après Jenufa de Janacek et Elektra de Richard Strauss, dans l’arrangement d’une suite dont l’idée est d’exposer cette musique ailleurs qu’à l’opéra. On notera la volonté du chef d’orchestre de créer une œuvre qui n’est pas simplement une succession d’extraits mais davantage l’idée d’un poème symphonique.
Manfred Honeck effectue ici un travail de titan tant sa lecture est remarquable. Profitant d’une phalange orchestrale exceptionnelle, Honeck créé un climat propice au caractère des œuvres dans lequel il prend le temps de faire sonner les choses ou provoque et génère à diverses reprises une énergie adéquate. Tout semble naturel, fluide, évident, tant dans la construction du matériau que dans l’agacement et la balance des pupitres. Une baguette qui ne laisse rien en retrait et qui, au contraire, magnifie le discours musical à travers une compréhension sans failles de l’architecture. Notons enfin la capacité des artistes à maintenir jusqu’au bout la tension dramatique, grâce à un sens naturel du phrasé et des climats. Clairement, cette parution prend une place déterminante dans le catalogue discographique, appuyée par l’explication de la démarche interprétative du chef.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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