À Fontevraud, le Messie de Haendel réjouissant avec des bis participatifs

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Le Messie de Haendel est un phénomène généralisé de la fin d’année dans les pays anglo-saxons. La mode gagne la France où fleurissent de plus en plus de concerts donnés par de grands ensembles de renom, mais aussi par des amateurs. Ainsi, c’est avec une participation du public, en bis, que Arts Florissants présentent le chef-d’œuvre de Haendel.

Le Messie a été donné par Les Arts Florissants sous la direction de Paul Agnew, dans le cadre des événements d’« Un hiver à Fontevraud », en particulier de « Noël en musique à Fontévraud » , deux cycles intégrés dans la programmation annuelle du Centre Culturel de Rencontre.

Dernière demeure d’Aliénor d’Aquitaine et de son fils Richard Cœur de Lion, l’Abbaye royale de Fontevraud s’enorgueillit d'être le plus vaste ensemble monastique d’Europe. En partenariat avec la Fondation Les Arts Florissants, un autre grand Centre Culturel de Rencontre du Pays de la Loire, l’Abbaye offre trois des cinq concerts de la série de Noël par l’ensemble fondé par William Christie. Ainsi, après les programmes « Musique pour Noël de Bach, Telemann et Buxtehude » et « Musique de Noël a capella », Le Messie séduit le spectateur dans une interprétation à la fois intense et légère, qui fait ressortir des timbres fort variés des chanteurs solistes.

Si Le Messie a toujours été une œuvre phare des Arts Florissants sous la direction de William Christie, c’est la première fois que Paul Agnew s’empare de ce chef-d’œuvre. Et avec quel bonheur ! Ses gestes pleins d’assurance, précis pour l’orchestre et pour le chœur, et donnant à la fois une grande liberté aux chanteurs solistes, sont tels que c’est comme s’il l’avait toujours dirigé. Il s’imprègne totalement de la partition, si bien que suivre les mouvements de ses bras et de son corps, naturels, vigoureux et attentionnés, c’est suivre la musique. La symphonie initiale en forme d’ouverture à la française est interprétée effectivement avec une grande solennité, de sorte qu’on aurait presque cru assister à une tragédie lyrique. Puis le chef se retourne vers le public et ouvre une série d’airs solo en tant que ténor, opération qu’il répète à plusieurs reprises. Chaque fois, l’enchaînement entre les deux rôles impressionne. Son chant est majestueux, sous un contrôle vocal surprenant quand on sait qu’une seconde plus tôt, il était en train de gérer la partition pour une cinquantaine de personnes sur la scène !

Les solistes sont de première classe prestige. Lucile Richardot pour la partie alto est magistrale, son timbre long et intense n’empêche pas quelques envolées dans les aigus parfaitement placées, dans une couleur veloutée. Ainsi, elle offre à chacune de ses apparitions un moment dramatique profond, notamment dans l’air « He was despised » dans la partie II. La soprano Ana Vieira Leite, récente lauréate du Jardin des Voix, séduit avec la clarté dans les aigus, mais quelques notes plus fermes dans le plus grave de sa tessiture offrent une théâtralité inattendue, ce qui ajoute une richesse dans l’interprétation. Andrew Foster-Williams est solennel dans « The people that walked in darkness » (partie I) et hautement olympien dans « The trumpet shall sound » (Partie III). D’ailleurs, dans cet air, le trompettiste Serge Tizac nous fait un magnifique cadeau de sa partie de solo habile et brillant.

Le chœur, en revanche, est ce jour-là hétérogène. Si les chanteuses sont unies et compactes chez les sopranos, les trois autres pupitres sonnent comme un mélange de caractères vocaux fort différents. Les couleurs entre les altos et les ténors en particulier, parfois si diversifiées, nous font sursauter les oreilles.

Le concert, vivifiant et réjouissant, ne se termine pas avec les dernières notes de Haendel. Dans les deux bis, Paul Agnew invite l’assistance à se joindre à eux pour chanter ensemble « Since by man came death » (avec un chœur amateur préparé) et l’incontournable « Hallelujah » entonné avec grande joie, peu importe si on chante faux !

Le 10 décembre, église abbatiale de Fontevraud.

Victoria Okada

Crédit photo © Julien Gazeau

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