A la découverte d’un musicien basque

par

René de CASTERA
(1873-1955)
Concert pour piano, violoncelle, flûte et clarinette - Sicilienne, pour violoncelle et piano - Trio pour piano, violon et violoncelle

L. Rinando (flûte), D. LeBlanc (clarinette), E. Darvarova (violon), S. Magill (violoncelle), L. Hall (piano)
2011-DDD-76' 33''-Notice en français et en anglais-Azur Classical AZC 109
Le Festival International Albert-Roussel, avec le soutien du Palazzetto Bru Zane, poursuit son travail de redécouverte des compositeurs français du début du XXe siècle. Après Emile Goué et Fernand de La Tombelle, voici René d'Avezac de Castéra. Originaire du pays basque comme Ravel, il intégrera la Schola Cantorum et deviendra élève d'Albéniz et de Vincent d'Indy. Editeur, critique, compositeur, ami de Dukas, Magnard ou Canteloube, reçu chez la princesse de Polignac, il jouit d’une vie comblée qu'il finit, un peu replié sur lui-même, retiré en ses terres landaises, devenu étranger au monde qui l'entourait. De Castéra a composé un opéra basque, Berteretche, qui semble perdu, mais aussi un ballet avec choeurs, Nausicaa (1914), qu'il serait intéressant d'écouter. L'oeuvre essentielle vient de la musique de chambre dont voici deux beaux fleurons. Le Trio en ré (version originale de 1904) est un exemple parfait de ce que pouvait offrir l'école scholiste : premier mouvement hypertrophié (14'), petit intermède en forme de divertissement, mouvement lent à nouveau très long, aux demi-teintes à la Chausson, finale classique et plus équilibré. Oeuvre franckiste typique, souffrant de ces longueurs qui handicapent aussi certaines pages de Lekeu (sonate pour violon), Chausson (Trio) ou Roussel (1er trio) mais qui enthousiasme par sa sincérité et sa nouveauté dans le paysage musical de l'époque. Plus intéressant  : le Concert de 1922, écrit pour un effectif inhabituel. Le compositeur en aurait noté les thèmes dans les tranchées en 1915-1916, ce qui explique le mode triste -et surtout tragique- de cette belle oeuvre. Le climat évoque Jean Cras ou parfois, plus curieusement, Delius. La critique contemporaine reprochait un "caractère trop uniforme", ce qui s'avère assez vrai. Après un "Intermède" en forme de zortzico basque, le ciel s'assombrit dans le mouvement "lent et grave", pour s'éclaircir dans le rondeau final, presque allègre. La brève Sicilienne, version établie par Damien Top (auteur de la notice très fouillée), orchestrée plus tard, est modale et nostalgique. Il s'agit ici de premières mondiales et les interprètes, tous musiciens du MET, sont tous très engagés. Regrettons cependant une prise de son aléatoire qui, dans le Trio, privilégie le violoncelle par rapport au violon, alors que le Concert le voit confiné à l'arrière-plan. Il est tout de même formidable que de pareilles oeuvres, complètement oubliées, se voient enregistrées et soumises à la découverte des mélomanes curieux : merci à ces défricheurs!
Bruno Peeters

Son 7 - Livret 10 - Répertoire 8 - Interprétation 9

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