A l’aube du Baroque italien, Bartolomeo Barbarino reste à découvrir
"IL PESARINO". BARTOLOMEO BARBARINO (v.1568- v.1617) et autres compositeurs FREDI, ROVETTA, ROSSI, MONTEVERDI, USPER, FRESCOBALDI, GRANDI, CAPRIOLI. Motets de Venise du début du Baroque. Matthias LUCHT, contre-ténor ; Jürgen BANHOLZER, clavecin/orgue (Vincenzo Colombi, 1532/1533, Duomo di Valvasone). 2019-69’-livret en allemand et anglais- texte en latin-chanté en latin- Fra Bernardo FB 1909712
Les voiles sépia des bateaux de pêche vénitiens sur la Riva degli Schiavoni en couverture, comme le titre « Il Pesarino », accompagné du nom des deux interprètes, Matthias Lucht et Jürgen Banholzer, paraissent à première vue assez énigmatiques. De quoi s’agit-il ?
En fait, « Il Pesarino » figure dans plusieurs dictionnaires (Fétis, Honegger notamment) : c’est le surnom de Bartolomeo Barbarino, musicien italien né près d’Ancône, au XVIe siècle et décédé vers 1617. Chanteur, organiste de 1602 à 1605 à la cathédrale de Pesaro (d’où son surnom) puis au service du Duc d’Urbino, il laissa plus de 150 œuvres peu connues parmi lesquelles deux livres de motets publiés à Venise dont un pour voix seule, des pièces sacrées et des madrigaux, parfois à plusieurs voix. De style monodique, précisant la basse continue qu’il souhaite -chitarrone, théorbe ou clavecin- ses motets sont publiés en deux versions, avec et sans ornements, ce qui permet d’apprécier le style savant qu’il pratiquait lui-même. Le livret de présentation insiste sur sa virtuosité vocale d’autant plus remarquable qu’elle était due à sa technique naturelle, ce qui le rapproche de nos contre-ténors actuels. Son nom figure déjà sur des enregistrements placés sous la direction de Giovanni Cantarini (« Il Vero Modo ») ou Paul Mccreesh (« Music for San Rocco »).
Ici, il n’occupe qu’une quinzaine de minutes sur plus d’une heure d’enregistrement. On ne s’en plaindra pas trop car les œuvres instrumentales telle la fantasque Toccata settima de Michelangelo Rossi aux exquises dissonances chromatiques, la pimpante Bergamasca puis la Toccata quarta Per l’Organo da sonarsi alla leuatione de Girolamo Frescobaldi sont interprétées avec talent par l’organiste, claveciniste, chef d’orchestre, musicologue et contre-ténor, Jürgen Banholzer.
Cette polyvalence participe certainement de son entente musicale avec le contre-ténor allemand Matthias Lucht qu’il côtoya à la Schola Cantorum Baisiliensis. Nativitas tua, Dei genitrix due à Francisco Usper, organiste vénitien élève de Gabrieli, en offre un bon exemple. En témoignent également les trois courtes pièces signées du Pesarino : Regina coeli laetare couronné d’un ravissant Alleluia, l’Ave Regina Coelorum surprenant de fraîcheur tandis que le Sancta Maria Dulcis et Pia s’anime d’une mélodie vivante aux contrastes dynamiques.
Malheureusement, une réverbération omniprésente, des enrouements non corrigés, indignes du label viennois, perturbent l’écoute. D’autant que le timbre assez impersonnel du chanteur, parfois tendu, s’appauvrit en harmoniques dans les sonorités soutenues tandis que des ornements serrés et sans grande portée rhétorique peinent à évoquer cette manière de chanter évoquée dans la présentation et qui subjugua auditeurs et illustres mémorialistes de passage dans les Églises de la Sérénissime.
Son : 5 – Livret : 7 – Répertoire : 9 – Interprétation : 7
Bénédicte Palaux Simonnet