A Parme, un Don Carlo fascinant ouvre le Festival Verdi

par

© Roberto Ricci

Chaque année, le Teatro Regio de Parme organise un festival consacré à Giuseppe Verdi ; et en ce mois d’octobre, figurent à l’affiche Don Carlo (dans la version milanaise en 4 actes) et Il Trovatore, alors que le Teatro Farnese de Parme présente Giovanna d’Arco et le Teatro Giuseppe Verdi de Bussetto, I Masnadieri.
Pour le Don Carlo d’ouverture de saison, le rideau s’ouvre sur de gigantesques parois de marbre grisâtre où s’encastrent deux ou trois portes qui s’entrouvrent continuellement pour laisser paraître les émissaires de la Sainte Inquisition. Devant le sépulcre de Charles-Quint orné d’une monumentale couronne de buis, passent deux ou trois moines de San Juste s’infligeant la flagellation. Lors du sinistre autodafé, l’on voit les condamnés tirer à bout de bras de lourds charrois exhibant les suppliciés. Dans les décors et costumes conçus par Maurizio Balò, la mise en scène de Cesare Lievi dépeint ainsi l’univers étouffant où se sclérose la cour de Philippe II, arborant un noir de rigueur ; et la simplicité de la conception dramatique en constitue l’efficacité. A la tête du Chœur du Teatro Regio et de la Filarmonica Arturo Toscanini, la baguette de Daniel Oren confère à la partition un souffle et une grandeur tragiques qui ne se relâchent pas un instant, même si elle sait cultiver aussi le lyrisme pur dans des pages saisissantes telles que l’introduction au monologue de Philippe II ou la scène des adieux de la reine à l’infant. Sur scène s’impose en premier lieu le Rodrigo du baryton slave Vladimir Stoyanov à la ligne de chant magnifique et à la diction italienne tout aussi convaincante. Lui fait face le superbe Philippe II de Michele Pertusi qui atteint l’apogée de sa carrière en conservant la souplesse d’émission et la rigueur de style héritée de ses incarnations rossiniennes. Son antagoniste, le seul à porter la pourpre cardinalice, est le Grand Inquisiteur d’Yevgen Orlov qui impressionne par la puissance de ses graves. Malgré un timbre clair entaché d’inflexions nasillardes, le Carlos de José Bros a pour cartes maîtresses un aigu éclatant et une éloquence expressive indéniable que partage l’Elisabeth de Valois de Serena Farnocchia possédant les moyens d’un véritable ‘lirico spinto’. Dominant avec peine un vibrato envahissant, l’Eboli de Marianne Cornetti s’accommode mieux des mélismes de la chanson du voile que des imprécations contre sa fatale beauté. Lavinia Bini est un Tebaldo pimpant, alors que Simon Lim est trop vert pour donner consistance au spectre de Charles-Quint. Au rideau final, l’ensemble de la production remporte un colossal succès.
Paul-André Demierre
Parme, Teatro Regio, Festival Verdi, octobre 2016

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