Alban Berg humaniste avec Michael Tilson Thomas 

par

Alban Berg (1885-1935) : Violin Concerto, Seven Early Songs Three Pieces for Orchestra. Gil Shaham, violon ; Susanna Phillips, soprano   San Francisco Symphony Orchestra, Michael Tilson Thomas. 2015 et 2018.  Livret en anglais.  SFS Media. 67’09’’. SFS Media SFS 0080.


Pilier de la modernité, la musique avec orchestre d’Alban Berg n’est plus trop programmée dans les salles de concert. Il faut dire que les chefs qui dirigeaient cette musique avec militantisme et opiniâtreté ne sont plus parmi nous. Avec la disparition des Abbado et Boulez, un lien semble s’être perdu. Même le Concerto pour violon “à la mémoire d’un ange”, apparaît avec parcimonie au concert et encore plus au disque... Au disque, les dernières versions marquantes furent celles d’Isabelle Faust et Claudio Abbado (HM) ou Arabella Steinbacher et Andris Nelsons (Orfeo), et cela remonte à près de 15 ans !  Il faut dire que la modernité dodécaphonique viennoise dont Berg était l’une des fondations, semble de moins en moins intéresser artistes et publics, comme si après avoir été déifiée par toute une génération, elle devient un chapitre d’un livre d’histoire vite refermé.  

Dans ce contexte, on accueille avec satisfaction cette nouvelle proposition californienne par une équipe rodée aux modernités les plus aventureuses. Comme il s’en explique dans l’entretien qu’il nous a accordé, Michael Tilson Thomas joue à domicile avec cette musique tant elle est une composante de son identité. Tout au long de ce disque, sa direction combine la précision et la narration. Rarement cette musique aura sonné avec une telle humanité, voire une telle fragilité, additionnant une finesse absolue des nuances et un impact dramatique bouleversant dans les passages dynamiques. L'interprétation des Trois pièces pour orchestre, portée par un San Francisco Symphony chauffé à blanc, est un moment d’anthologie.  On est ici au niveau de Karajan (DGG), Abbado (DGG) ou Dorati (Mercury). 

Le concerto pour violon connaît également ici l'une de ses interprétations les plus bouleversantes tant le génial violoniste Gil Shaham vit cette musique qu’il fait vivre des murmures aux sanglots. La qualité sonore unique et la virtuosité du soliste atteignent un absolu. MTT et son orchestre fusionnent presque avec le violon, embrassé dans un tout musical dont chaque note semble être un pouls commun, respirant et vibrant ensemble ! Dans une discographie des plus conséquentes, cette interprétation prend d’emblée place aux sommets. 

On aurait tort de négliger les Sept lieder de jeunesse sublimés par le timbre étincelant de Susanna Phillips et la direction magistrale du chef californien. L’attention portée à la soliste dans le suivi des nuances et des inflexions du discours musical est ici un modèle d’intelligence. 

MTT et son orchestre nous ont gratifié de tant d’albums de qualité qu’on n’en serait presque blasés. Mais cet enregistrement Alban Berg est une immense réussite et une pierre angulaire de l’art interprétatif ! 

Son : 10    Livret : 10    Répertoire : 10    Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Michael Tilson Thomas à propos d’Alban Berg et de la musique 

 

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