Bernard Haitink en son jardin brucknérien 

par

Anton Bruckner (1824-1896) : Te Deum en Ut Majeur pour solistes, choeur, orgue et orchestre ; Symphonie n°8 en Ut mineur (édition  Robert Hass - 1939). Krassimira Stoyanova, soprano ; Yvonne Naef, mezzo-soprano ; Christoph Strehl, ténor ; Günther Groissböck, baryton. Chor und Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Bernard Haitink. 2020 et 1993. Livret en anglais et allemand. 2 CD BR Klassik. 900212  

Les fonds de la Radio bavaroise semblent inépuisables tant ils nous offrent très régulièrement des parutions de concerts avec Bernard Haitink. Des captations des symphonies n°4, n°5, n°6 et n°9 ont déjà été commercialisées et en attendant une Symphonie n°7 annoncée début 2024, nous recevons cette Symphonie n°8 couplée au puissant et imposant Te Deum.  

Le chef néerlandais avait une sympathie pour le Te Deum, partition qui convoque un effectif vocal, choral et instrumental imposant sans oublier un orgue. Chaque exécution de cette partition est en soi un évènement car l'œuvre impose une verticalité et une force tellurique particulièrement impressionnantes. Bernard Haitink a laissé deux versions de studios qui sont des références : elles furent enregistrées à Amsterdam en 1966 (Philips) et à Vienne en 1988 (Philips). Malgré ses qualités au niveau instrumental et vocal et malgré l’excellence de la direction du chef, cette nouvelle interprétation captée live sur la scène de la Philharmonie du Gasteig  ne peut rivaliser. En effet, l'acoustique de cette salle dessert l'œuvre et la prise de son manque de lisibilité tout en renforçant la massivité brute.

Changement de registre avec la Symphonie n°8 enregistrée à la Herkulessaal de la Résidence de Munich, la base habituelle de l’orchestre radio symphonique. La Symphonie n°8 était l’un des chevaux de bataille de Bernard Haitink et il laisse plusieurs interprétations majeures : celles de l’intégrale Philips à Amsterdam (1969) et surtout à Vienne en 1995 (Philips) et à Dresde (Profil) en 2002 sans oublier d'autres captations live éditées plus ou moins légalement. Nous découvrons donc cette captation bavaroise de 1993 qui s’affirme comme la lecture la plus lente du chef. En effet, les quatre mouvements durent 88’30’’, soit près de 15mn de plus que sa lecture de 1969, alors que le chef n’a pas changé d’édition ! Mais de cette lenteur assumée, Haitink construit patiemment cette cathédrale orchestrale, rendant lisibles toutes les strates et les couches de l'orchestration tout en jouant avec les nuances infinies offertes par les pupitres du Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks.  Car l’immense triomphateur de cette lecture, c’est encore une fois la phalange bavaroise dont on ne sait qu’admirer entre un son à la plastique fabuleuse ou la précision des pupitres (quels cuivres ! ). 

Avec d’autres chefs, le geste serait sans doute saccadé et scandé de manière verticale, mais avec Haitink tout est fluide et la lenteur du tempo n’entrave pas la progression portée par la logique de construction. Nous sommes aux sommets de l’art de la direction et cette interprétation est le reflet d'une vie consacrée à mûrir une vision qui s’impose ici comme grandiose. 

Dès lors, on garde ce disque précieusement pour la Symphonie n°8, en considérant le Te Deum comme un bonus.

Son : 6/10 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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