Calixto Bieito se déchaîne !

par

© Annemie Augustijns

Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny de Kurt Weill
Reprise, sans doute, mais effet toujours garanti. En septembre 2011, cette production avait fait sensation - mais non scandale : le public du Vlaamse Opera de l'époque est celui de l'Opera Vlaanderen d'aujourd'hui, toujours aussi novateur. Le metteur en scène espagnol en met toujours plein la vue, pour notre plus grand bonheur. Parabole excitante d'un monde capitaliste fantasmé à l'extrême, Mahagonny réalise une union miraculeuse et unique entre théâtre et musique. Ville mythique et fantôme, Mahagonny apparaît, se fonde, jouit, disparaît et meurt. Ville-vie, elle suit notre destinée, comme le veulent ses trois fondateurs, Mme Begbick, Fatty et Trinity Moses. Ils apparaissent dans des nuées, d'où surgissent dix caravanes, inspirées du monde des tristes favella's d'Amérique latine. Formidable décor, sur lequel se dérouleront les mondes créés par Bieito, inventeur-architecte fantastique. Tout sera permis dans la ville nouvelle, surtout après le typhon qui a menacé son existence. Concours de hot-dog, de masturbation, sexe et violence mènent la danse. Il ne manquait plus que les tranches de salamis à dévorer sur la fille nue, sinon, peu de différences entre 2011 et 2016. A un moment, Jimmy ne sait plus payer, et en devra subir la conséquence : la mort. On ne rit plus, à Mahagonny. Revenu un instant à Anvers, le metteur en scène espagnol a effleuré l'actualité (Brexit !), mais sinon est resté fidèle à sa conception première. Et, comme avant, les acteurs envahissent la scène à la fin, pancartes à la main : "We love Mahagonny". Bieito ne va pas par quatre chemins philosophiques : "L'essentiel, c'est de rire de toute cette merde du capitalisme autour de nous." Spectacle "dada" impeccable donc, comme en 2011, car illustrant parfaitement le livret de Brecht. Dès l'arrivée, avec chapeau et cigare, de Dmitri Jurowski, (qui entame sa dernière saison in loco), l'orchestre a magnifié la partition de Kurt Weill, sublimant le final de l'acte I, avec son admirable déploration chorale néo-classique. Rappelons les noms des solistes : Renée Morloc (Begbick), Michael Scott (Fatty), Simon Neal (Moses), Tineke Van Ingelgem (Jenny Hill), Ladislav Elgr (Jim Mahoney). Rescapé de 2011, Guntbert Warns, acteur cinglant, entame et termine en grimaçant -morbide- un spectacle très réussi. Tous les acteurs l'ont confirmé, en déboulant dans la salle, après le salut des machinistes  (très rare, ça !) pour le plus grand plaisir des spectateurs.
Bruno Peeters
Opera Vlaanderen, Anvers, le 29 juin 2016

Les commentaires sont clos.