Cantates de Stradella en première mondiale : l’incendie !

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Cantatas and Serenatas Vol 1. Alessandro Stradella (1643-1682) : Arsi già d'una fiamma ; Or ch'alla dea notturna ; Disperata rimembranza, lascia omai ; Infinite son le pense. Rosita Frisani, Anna Chierichetti, Sara Marchesi, sopranos. Mario Nuvoli, ténor. Riccardo Ristori, basse. Estévan Velardi, Alessandro Stradella Consort. Livret en italien et anglais ; texte des œuvres non inclus mais disponible sur le site du label. Mars 2006, février 2007, février 2011. TT 75’00. Dynamic CDS7893

Parallèlement aux efforts d’Andrea De Carlo pour faire mieux connaître la musique de Stradella, on sait le zèle d’Estévan Velardi et son ensemble Camerata Ligure, rebaptisé en 1992 en l’honneur de ce compositeur célèbre pour ses mœurs dissolues et son existence intrépide. Faisant un sort à la légende, le livret investigue avec érudition ce personnage prisé de l’aristocratie italienne, tant pour ses œuvres que ses frasques d’entremetteur. On le trouve souvent à court d’argent, accusé de détourner les deniers de l’église et de courir les jupons. Ce qui lui valut d’être assassiné sur la Piazza Banchi de Gênes. Une biographie incertaine ne masque pas une vie digne d’un opéra, d’ailleurs César Franck lui en consacra un !

Parmi les quelque 170 cantates, le programme en a retenu quatre, deux étant qualifiées de Serenata. Cela dans l’édition d’Estévan Velardi, et annoncées comme « world premiere recordings ». Comme on s’y attendrait, le climat en est érotique, exaspéré par le combustible de la passion, de l’infidélité, de la trahison. Arsi già d'una fiamma proteste contre l’amour et se caractérise par ses effets d’écho, reflets d’une ambiance arcadienne confirmée par l’usage de la harpe. Plus ardent, Or ch'alla dea notturna évoque les tourments des sentiments. Disperata rimembranza, lascia omai déploie un tableau de peine et mélancolie. Pour Infinite son le pense, la présente réalisation a gonflé l’effectif (originellement deux violons et basse continue) : flûte à bec, cordes multipliées et un éventail à quatre parties d’archiluths, guitares et théorbes.

Malgré le timbre neutre du ténor dans Adultero riso e amor simulato, l’équipe vocale brûle les planches en toute circonstance. Le contraste des situations, le tourbillon des émotions consument le théâtre de ces cantates pour les faire vibrer comme des mini-opéras. On ne détaillera pas le catalogue d’affetti, d’élans dramatiques et d’effets oratoires qui enthousiasment cette réalisation. L’accompagnement se montre tout aussi flagrant, semant le trouble, l’ire et l’incendie. Spécialiste du XVIIe siècle romain, remarqué dans divers albums pour les labels Chandos et Bongiovanni, Estévan Velardi possède les secrets d’éloquence de cette musique éblouissante, étourdissante, et semble possédé par cet univers irradiant.

Le CD vient de paraître, un second volume le complète. Les enregistrements datent d’il y a plus de dix ans. Sauf erreur, ils n’avaient jamais été commercialisés, ou alors nous sommes coupables de les avoir ignorés à leur sortie. En toute hypothèse, voilà un album intense, à thésauriser par tous les amateurs de pyrotechnie baroque ultramontaine qui voudront bien se laisser dévorer par ces chants en flamme. Les glottophiles objecteront peut-être que certains gosiers (chez les dames, tant pis pour l’inélégance) font de la résistance et plafonnent dans des aigus ignifugés. Qu’importe, partout ailleurs ça bout : accourrons au brasier !

Son : 8,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

 

 

 

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