Cantoría ou la Renaissance frétillante...

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On a tendance à identifier polyphonie renaissante espagnole avec spiritualité, austérité et Contre-réforme. Et, à demi-mots, avec ennui ! Ce groupe espagnol à la jeunesse insolente, Cantoría, issu de la prestigieuse Escola Superior de Mùsica de Catalunya, vient nous prouver le contraire : l'enthousiasme du public en fut la preuve. Cela n'enlève rien au mérite des Guerrero, Victoria ou Morales, mais le répertoire conservé est vraiment vaste et diversifié. Conçu sous la dénomination « Lenguas Malas » (mauvaises langues, ragots), leur programme embrasse un large éventail de musiques profanes, tirées du Cancionero de Palacio, de celui d'Uppsala et des « Ensaladas » de Mateo Flecha. Ce qui comprend un bon nombre de langues différentes : occitan, catalan, italien, castillan et même le charabia des matelots ou des soldats des hétéroclites armées impériales...

L'empire des Habsbourg n'en était que plus riche de tout ce foisonnement de contrées et de cultures contrastées. Le ténor Jorge Losana assume la responsabilité musicale du groupe et présente les pièces. Sous son permanent sourire, il cache mal sa volonté outrancière de précision, de soin accordé aux détails, d'exigence dans la justesse ou dans le phrasé, ce qui le caractérise aussi comme chanteur. Autant dire les clés de leur réussite. Le soprano Inés Alonso possède un instrument de toute beauté et un charisme qui auraient suffi à rendre le concert intéressant. Mais la basse Valentín Miralles lui donne une réplique impeccable avec un instrument riche de couleurs, solide et avec leur sens commun de la justesse et des couleurs. A remarquer aussi, le soin apporté à la prononciation historique des langues chantées et à leur diction, fruit de leur propre recherche car il y a peu d'études publiées sur ce sujet. Le contre-ténor Fran Braojos a assumé au pied levé la partie d'alto avec brio et professionnalisme, mais il n'a évidemment pas pu atteindre l'aisance de ses partenaires qui connaissent leur musique par cœur et parfois la chorégraphient de façon impromptue, apportant ici et là de beaux effets visuels à la musique. Il est plus que probable que ces musiques se chantaient accompagnées d'instruments, mais leur version « a cappella » accroît notre intérêt car la communication devient bien plus spontanée. Longue vie à ce groupe, cette musique mérite vraiment leur apport.

Xavier Rivera

Bruxelles, Bozar, Emerging European Ensembles, le 10 décembre 2019

Crédits photographiques :  Vicent Arbelet

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