Partitions

Les Nouveautés des Partitions, depuis les plus débutants aux plus professionnels et pour tous les instruments.

Deux Urtext de Dvořák

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Longtemps, la Sixième Symphonie, op. 60, de Dvořák fut considérée comme la première, n°1 car première à être publiée. Les cinq précédentes ne furent prises en considération que dans les années 1960, entraînant un bouleversement total de la numérotation. C’est ainsi que le « Nouveau Monde » passa de cinq à neuf, l’op. 70 en ré mineur de deux à sept et l’op. 88 en sol majeur de quatre à huit. N’allons pas plus loin. Si vous avez dans votre collection quelques vinyles d’époque, vous pourrez retrouver cette numérotation « vintage ». La musicologie tchèque ayant pris les choses en mains, Dvořák fut admis dans ce petit groupe très sélect des compositeurs auteurs de neuf symphonies. Mais revenons à la sixième, dont Bärenreiter vient de publier l’édition urtext établie par Jonathan Del Mar ; une intégrale en cours visiblement, qui a commencé par la fin, avec les trois dernières symphonies. Ici, point de découverte sensationnelle comme certaines sources ignorées qui avaient alimenté son édition du « Nouveau Monde ». Par rapport à l’urtext publié en 1957 à Prague, peu de différences. Simplement, une prise en considération des premières parties d’orchestre éditées, qui permettent de préciser les nuances. Autre élément important auquel Jonathan Del Mar est très attaché, la différence entre le staccato marqué d’un point et le striche, différence de longueur, d’attaque mais aussi de densité sonore.

Quelques sonates pour piano

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Heureux pianistes dont le répertoire est sans cesse revisité par les éditeurs d’urtext. Pas une note qui leur échappe, pas une parcelle de manuscrit ou d’édition originale qui ne soit passée au crible. Et comme on en redécouvre régulièrement, les nouvelles éditions fleurissent. Mais une question me taraude néanmoins, bien qu’étant moi-même à l’affut du moindre détail qui rapprocherait encore davantage l’interprète du compositeur : qu’en pense l’auditeur ? peut-il vraiment apprécier ces rectifications qui relèvent souvent du détail ? 

Ptêt ben qu’oui, ptêt ben qu’non, auraient répondu mes ancêtres les Normands (je ne sais pas s’il y avait un barde parmi eux). Parfois, c’est perceptible, parfois c’est invisible. Certains interprètes, fervents défenseurs de ces nouvelles éditions, s’amuseraient-ils à insister un peu trop sur les variantes et corrections ? Loin de moi une telle idée. Mais le côté invisible n’est pas toujours inodore et sans saveur, car certaines corrections ouvrent les yeux et peuvent modifier l’approche globale. Un seul exemple, les fameux points sur les notes qui ont transformé le jeu beethovénien et schubertien. 

Chopin est un puits sans fond pour les musicologues, tant il corrigeait ses éditions en faisant travailler ses élèves. La multiplicité des sources relève parfois du calvaire. On connaît les variantes des différentes valses. Ici, pas de problème, notre auditeur lambda ne pourra pas les rater. Ailleurs, c’est moins évident. Deux éditions récentes de la Sonate en si mineur (la troisième, op. 58) en apportent la preuve. Comme souvent à l’époque, Chopin la fit éditer simultanément à Paris, à Leipzig et à Londres. Mais, compte tenu de l’éloignement, il ne vérifia les épreuves que de l’édition parisienne. C’est pourtant celle de Breitkopf qui allait devenir la source de toutes les éditions ultérieures. Jusqu’à ce que Paul Badura-Skoda mène campagne pour restituer les ultimes volontés de Chopin. Approche concrétisée dans la nouvelle édition Bärenreiter qui intègre à la source Breitkopf les modifications apportées par Chopin. L’édition que propose Henle relève d’un autre choix : Norbert Müllemann considère qu’il serait trop compliqué de superposer les deux sources qui sont proposées séparément dans le même volume. Nul doute que les pianistes vont se précipiter sur ces éditions. Mais laquelle choisir ? Face à un choix si cornélien, une seule réponse : les deux mon général. 

Nouvelles éditions raveliennes

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Les éditeurs préparaient le 150e anniversaire de la mort de Ravel depuis fort longtemps, car dès que ses œuvres sont tombées dans le domaine public (en 2008, 2016 ou 2022 selon les œuvres et selon les pays), les urtext ont commencé à fleurir sous l’autorité des meilleurs spécialistes. Œuvres fondamentales bien sûr, mais aussi raretés et pages jusqu’alors ignorées.

La Sérénade grotesque pour piano est considérée comme la première œuvre connue de Ravel. Il avait dix-huit ans et le témoignage de son camarade Gustave Mouchet atteste que Ravel la joua à son maître Émile Pessard au Conservatoire de Paris. Arbie Orenstein l’avait exhumée en 1975 chez Salabert. Henle en propose maintenant un urtext établi par Andreas Perpeintner probablement plus fiable dans la recherche des solutions aux problèmes posés par ce qui n’était qu’un devoir d’étudiant : le début du manuscrit est très précis puis les problèmes surgissent au fil des mesures, articulations, altérations erronées aux changements de clés, rythme… Chaque proposition est justifiée dans le commentaire critique. Doigtés de Cédric Tiberghien.

Ravel n’était guère plus âgé, et toujours étudiant au Conservatoire, lorsqu’il composa la cantate Sémiramis dont on ne connaissait l’existence que grâce aux carnets du pianiste Ricardo Viñes. Viñes attestait l’avoir entendue en 1902 à la classe d’orchestre sous la direction de Paul Taffanel. Le manuscrit, conservé à Montfort-l’Amaury dans la maison de Ravel, a été acquis par la BnF en 2000 et c’est grâce à la tenacité de François Dru que deux extraits (Prélude et danse) ont pu être publiés dans le cadre de la Ravel Edition et créés récemment par Gustavo Dudamel et l’Orchestre philharmonique de New York. Un troisième extrait, l’air de Manassès, sera créé à la fin de l’année à la Philharmonie de Paris sous la direction d’Alain Altinoglu. Le livret est celui de la cantate imposée au concours du Prix de Rome en 1900. Ravel n’y avait pas participé puisqu’il avait été éliminé dès la première épreuve. Alors pourquoi ce choix ? À l’époque, Ravel avait déjà livré des œuvres très personnelles comme les Jeux d’eau. Voulait-il montrer ce qu’il aurait pu faire s’il avait été admis à concourir ? L’écriture sage et respectueuse des normes académiques aurait peut-être plu à un jury au conservatisme exacerbé. Mystère. Néanmoins, pour une première approche de l’écriture orchestrale, tout y est, la finesse du trait, la précision des couleurs, même si les modèles restent visibles, notamment Rimski-Korsakov.

Autre œuvre de jeunesse découverte tardivement, L’Aurore, une pièce pour chœur et orchestre, avec une courte intervention de ténor solo, composée pour les épreuves préliminaires du Concours de Rome en 1905. Pour sa quatrième tentative, Ravel ne fut même pas admis aux épreuves finales, ce qui déchaîna un scandale dans la presse et dans le milieu musical. On disposait de l’édition Salabert, publiée il y a une trentaine d’années. Mais un véritable urtext s’imposait. Marc Rigaudière vient de le réaliser pour Carus, en remettant en situation cette œuvre beaucoup trop audacieuse pour le jury. Ravel avait déjà composé des œuvres marquantes comme son Quatuor, la Sonatine pour piano, la Pavane pour une infante défunte ou Shéhérazade avec laquelle on trouve de nombreux points communs. Il ne pouvait se soumettre à l’académisme de rigueur pour ce genre d’épreuve. 

Moisson d'été chez Henle

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La moisson d’été des éditions Henle nous propose différentes partitions pour des formations bien différentes : Ravel pour deux piano, de la harpe, un quatuor de saxophones et une marche et divertimento de Mozart pour 2 cors et cordes Nouveautés d’été chez Henle 

Claude Debussy / Maurice Ravel, Nocturnes (version pour 2 pianos). HN 1396,  ISMN 979-0-2018-1396-7

Nouveautés chez Henle

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Les éditions Henle nous proposent de belles nouveautés, tel un voyage à travers les temps. On commence avec une intégrale de la musique pour piano de d’Arnold Schönberg. 

Arnold Schönberg (1874-1951) ; L’Oeuvre pour piano, G Henle Verlag 1178, ISMN 979-0-2018-1178-9  

Partitions d’orchestre chez Breitkopf & Härtel 

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Les célèbres éditions Breitkopf & Härtel nous proposent une belle série de partitions d’orchestre avec des nouveautés parfois reprises de leur imposant catalogue mais qui sont les bienvenues. 

Johann Strauß (1825–1899) : Die Fledermaus-Ouverture. Urtext de l'édition intégrale de Johann Strauß éditée par Fritz Racek. ISMN  : 979-0-004-21793-1.

Johann Strauß (1825–1899) : An der schönen blauen Donau, Op.314.  Urtext de l'édition intégrale de Johann Strauß éditée par Fritz Racek. ISMN : 979-0-004-21764-1

Papier à musique : Calligraphie debussyste

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Qui n’a pas rêvé d’avoir accès aux manuscrits des plus grands compositeurs, rêve devenu réalité dans une certaine mesure, depuis que les détenteurs de ces manuscrits acceptent qu’ils soient reproduits en tout ou partie. Sans dénier l’interêt de certains livres qui proposent des pages isolées de grands manuscrits, le musicien cherchera plutôt des fac-similé complets pour s’immerger totalement dans l’œuvre concernée et tenter d’en comprendre la gestation, une approche graphologique en quelque sorte, une approche pleine de surprises. Rien de nouveau dans le fait que le côté brouillon parfois indéchiffrable des manuscrits de Beethoven révèle une personnalité tourmentée et passionnée. On le savait. De même, l’écriture bien ordonnée de Jean-Sébastien Bach correspond parfaitement à la musique structurée qu’il nous a livrée. Mozart, plus difficile ; ça part dans tous les sens. Ravel, de belles pages d’écriture. Berlioz, Mahler, de parfaits reflets de l’instabilité de ces compositeurs. Et Debussy ? Plus besoin d’aller à la BNF, le manuscrit de La Mer est à présent disponible en fac-similé (Bärenreiter), accompagné d’une analyse de Denis Herlin et Mathias Auclair. Depuis l’époque des premières publications en fac-similé, les techniques de reproduction ont fait des progrès considérables, notamment les contrastes qui rendent lisibles les moindres détails. Et ils sont essentiels car Debussy aimait les pattes de mouches.

Le chef d’orchestre qui ouvre un tel volume commence par chercher les différences. Bien sûr les fanfares à la fin des Dialogues du vent et de la mer. Elles sont bien présentes dans le manuscrit original, mais elles avaient été supprimées dans la seconde édition qui a servi de référence pour la postérité et on les joue rarement aujourd’hui. J’ai eu la chance d’entendre Ansermet diriger La Mer à la fin de sa vie. Il les avait rétablies et m’avait expliqué que c’était le choix ultime de Debussy. Dont acte.