Papier à musique – Alain Pâris

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S’il est une qualité que tout chef d’orchestre doit posséder au plus haut niveau, c’est la précision du langage. Savoir se faire comprendre, dans quelque langue que ce soit, est fondamental. Mais, parfois, cela relève du parcours du combattant. Par exemple, dans le monde entier, la petite flûte s’appelle piccolo. Mais si vous êtes en Italie et demandez au piccolo de jouer un peu plus fort (ou moins fort, peu importe), tout le monde se demandera à quel « petit » vous vous adressez, car l’instrument s’appelle ottavino au-delà des Alpes. Autre confusion : le tambourin. En France, ou plutôt en Provence, c’est un petit tambour. Mais en anglais, le mot tambourine désigne le tambour de basque (ah ! les faux amis). L’exemple le plus notable de confusion se trouve dans L’Arlésienne où le tambourin (provençal) est souvent remplacé par un tambour de basque (Karajan notamment). Un peu de respect pour nos spécificités régionales, SVP !

Continuons : le bugle, en France c’est une trompette à la sonorité plus large ; en anglais c’est un simple clairon, donc sans pistons. En espagnol, le cor s’appelle tromba. En italien, la trompette s’appelle… tromba. Aie, aie, aie, ça va déraper. Au Québec, le mot trompe désignait la guimbarde avant qu’on l’appelle guitare à bouche ! Il y a de quoi… se tromper.

Ajoutez une mauvaise prononciation, et vous déchaînerez un fou rire généralisé parmi les musiciens : la percussion en italien s’intitule batteria. Prononcez à la française en avalant la dernière syllabe et vous obtenez batteri, donc bactérie.  

Au rayon des curiosités, Monsieur Jourdain et sa trompette marine, qui n’a rien d’une trompette puisque c’est un instrument à cordes de forme triangulaire à une corde dont le nom serait peut-être lié à l’usage qu’on en faisait sur les bateaux pour réveiller l’équipage. En Allemagne, on l’appellait violon des nonnes, car il remplaçait la trompette dans les couvents où les religieuses s’adonnaient à la musique d’ensemble. Il est vrai que la sœur tourière armée d’une trompette, c’était difficile à imaginer dans un monastère allemand : à la rigueur dans Les Mousquetaires au couvent.

Iconographie musicale

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Comme tous les enfants, j’aime les histoires en images. Photos, tableaux, l’iconographie est la prise de contact la plus directe que nous puissions avoir avec un sujet. Avant d’entrer dans l’univers de Bach, nous avons tous fixé dans nos mémoires son portrait réalisé deux ans avant sa mort, sérieux, emperruqué, une page de musique à la main ; ou celui de Mozart par Joseph Lange, un profil gauche légèrement penché, le plus ressemblant d’après son épouse ; ou celui de Beethoven peint par Joseph Stieler en 1819. Chopin, Liszt, Wagner, tous ont donné lieu à des portraits dont personne ne pourra jamais dire s’ils étaient ressemblants. Plus tard, la photo a pris le relais. La caricature a apporté une touche appréciable. L’imaginaire cède le pas à la réalité. Mais à feuilleter albums et recueils iconographiques, il y a toujours quelque chose qui fonctionne différemment dans nos cerveaux, quelque chose que les descriptions ou analyses les plus qualifiées ne parviendront jamais à remplacer. Bach est sérieux, Mozart insaisissable, Brahms sévère derrière sa longue barbe, Ravel raffiné (et fumeur), Offenbach masque mal un sourire en coin (de nouvelles farces en perspective ?), Chostakovitch semble toujours souffrir. Voir le visage de tel ou tel compositeur peut donner parfois une autre idée de sa musique. C’est totalement subjectif mais notre esprit photographie une image qu’il associe à la musique de ce compositeur. 

Fauré. Sa moustache. Ses cheveux blancs. Jean-Michel Nectoux nous a tout dit sur lui dans les nombreux ouvrages qu’il lui a consacrés, récemment encore le plus intime dans sa correspondance. Il manquait une approche, l’image. Et ce livre d’images, il nous le réserve pour le dessert. Ce qui est d’une logique absolue car l’importante iconographie qu’il a réunie est le parfait complément des ouvrages musicologiques déjà publiés. Fauré dans son environnement, ses proches, les lieux qu’il a fréquentés (Paris avant d’être défigurée), des maquettes de décors et costumes, des programmes et affiches, des lettres et pages de musique manuscrites. Qu’en ressort-il ? Que Fauré était bien autre qu’un simple musicien de salon, compositeur de mélodies et de Romances sans paroles, cette image longtemps colportée qui a nui à la diffusion de sa musique. Raffiné et élégant, oui. Fort et viril, aussi. Séducteur, encore. Il suffit de voir les photos où il est entouré d’élégantes femmes du monde, regards et sourires éloquents. Gestionnaire novateur et irréprochable dans ses fonctions de directeur du Conservatoire de Paris qu’il a su faire passer d’un siècle à un autre, d’un bâtiment à un autre, de la rue Bergère à la rue de Madrid. 

Un ravélien portugais

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Parmi les grands chefs ravéliens de la première heure, tous n'étaient pas français. Il y avait à Paris un Italien et un Portugais qui avaient gagné la confiance du maître, Piero Coppola et Pedro de Freitas Branco. Coppola était au pupitre en 1930 pour le premier enregistrement du Boléro, la veille de celui qui est attribué à Ravel et que dirigea en réalité Albert Wolff. Et c’est l’indisponibilité du même Albert Wolff qui permit à Freitas Branco de participer, en janvier 1932, au concert au cours duquel fut créé le Concerto en sol. Ravel y conduisait le concerto (avec Marguerite Long), la Pavane pour une infante défunte et le Boléro, Freitas Branco la seconde suite de Daphnis et Chloé, la Rapsodie espagnole et La Valse. S’en suivirent plusieurs concerts en Belgique qui scellèrent l’amitié entre les deux hommes. Et au mois d’avril de la même année, ce furent les fameuses sessions d’enregistrement au cours desquelles furent gravés le concerto et la Pavane. Sur l’étiquette du disque Columbia, la direction du concerto est attribuée à Ravel, celle de la Pavane à Freitas Branco. Mais de sérieux doutes subsistent sur la présence de Ravel au pupitre, alimentés par le témoignage de Jean Bérard, alors directeur artistique de Columbia qui produisait cet enregistrement : « En vérité ce fut Freitas Branco qui dirigea, Ravel dirigeant mal. » Ce témoignage est contesté par des ravéliens de tous bords pour qui le sujet est une véritable chasse gardée. Au risque de me mêler de ce qui ne me regarde pas, je voudrais seulement exprimer ma réaction de chef d’orchestre à l’écoute de cet enregistrement : quand on sait quelle précision réclame la direction de ce concerto, particulièrement le premier mouvement, il semble difficile d’imaginer qu’il ait été dirigé par un chef malhabile, parfois susceptible de gêner les instrumentistes tant sa direction était gauche. Je n’invente rien, je reprends seulement des qualificatifs utilisés par certains de mes maîtres qui ont vu Ravel diriger et connu des musiciens qui avaient joué sous sa direction. Cet avis n’engage que moi bien entendu.

Ravel au paradis

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Ravel au paradis

Ravel est mort. Au seuil du paradis, il est accueilli par saint Pierre. Normalement, c’est sainte Cécile (patronne des musiciens) qui aurait dû s’en charger, mais elle était en RTT (retraite de téléologie théologique). Saint Pierre prend donc les choses en main avec le questionnaire habituel : identité, qualité, etc. Son ordinateur lui donne rapidement une idée du personnage qu’il est en train d’accueillir. 

— Musicien ? Compositeur ? 

— Oui, répond humblement le petit homme. 

— Humm, je vois que tu n’as pas écrit beaucoup de musique religieuse.

— C’est vrai saint Pierre, mais je ne me sentais pas capable d’égaler mes prédécesseurs en la matière.

— C’est bien, ta modestie prêche en ta faveur. Tu as écrit pour les enfants je crois ?

— Oui, Ma mère l’Oye, des pièces pour piano à quatre mains, pas trop difficiles pour les enfants.

— C’est bien. C’est vraiment bien de penser aux petits. Mais je vois ici Daphnis et Chloé. C’est bien correct cette œuvre ? Initiation à l’amour, n’est-ce pas ?

— Oui, mais ils finissent par se marier.

— Humm ! Bon. Et le reste ? Concerto pour la main gauche ?

— C’était pour un pianiste qui avait perdu le bras droit à la guerre.

— Ah oui ! Ça part d’un bon sentiment. 

Saint Pierre continue à consulter son ordinateur, consultation ponctuée de quelques bougonnements. 

— Humm, bien. Globalement, tout se présente bien. Ah oui, mais je vois quelque chose de curieux : Boléro ? c’est cela ?

— Oui, saint Pierre. Une pièce toute simple, avec un seul motif qui se répète…

— … qui a beaucoup de succès.

— Je ne saurais le nier…

— … qui va rapporter beaucoup d’argent.

— … à mes héritiers.

— Et je vois que les gens dans le besoin ne profiteront pas beaucoup de cette manne.

— S’il ne tenait qu’à moi… Mais je suis mort.

— C’est vrai, lui dit saint Pierre. Mais c’est bien toi qui a écrit ce Boléro ?

— Oui, j’avoue, bredouille Ravel qui sent s’altérer la bienveillance de saint Pierre.

— Donc tu es responsable de ce que tes œuvres rapportent à tes héritiers.

— Ah bon ?

— Pendant soixante-dix ans après ta mort. 

— Mais le Boléro a tout de même contribué aux œuvres sociales de la SACEM.

Les sourcils de Saint Pierre prennent une forme interrogative.

Wagner au Journal télévisé

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J’ai fait un rêve ! 

Wagner était invité au journal télévisé du soir. Égal à lui-même, regardant de haut cette piétaille journalistique qui croit pouvoir condenser ses opéras en quelques minutes, lui l’inventeur de l’œuvre d’art totale qu’on voudrait soumettre aux rythmes et contraintes de la technologie moderne… Bref, ça ne s’annonçait pas bien.

La journaliste qui lui faisait face n’avait rien d’une walkyrie, plutôt mignonne, du genre fille fleur, souriante, bavarde, très bavarde même. Sans la présence de Cosima juste derrière, en coulisse, qui sait si… Mais c’est l’heure.

- Monsieur Wagner, merci d’être venu sur notre plateau pour nous parler de votre œuvre. En France, on connaît bien vos opéras dont on apprécie les dimensions à la fois physiques, intellectuelles et virtuelles, leur prolongement dans le subconscient psychanalytique des interprètes et les retombées dans la psyché des auditeurs grâce à une approche de la relation musique-scène dont vous maîtrisez comme nul autre l’impossible équilibre. Sans parler de tout ce qui se cache derrière la personnalité complexe de tous vos protagonistes. Dans une récente production de la Tétralogie, le metteur en scène Paulus Bach a enfin révélé ce que personne n’avait découvert dans votre conception dramatique des personnages, le fait que Wotan est en réalité une femme, un travesti. Ce qui permet ainsi de respecter la parité au sein de la distribution. Avez-vous souffert d’attendre si longtemps pour que vos spectateurs, vos auditeurs en aient la révélation ?

- Ach, c’est que…

La journaliste lui coupe la parole :

- … je comprends, mais Wotan devrait alors être chanté par un castrat. 

- Nein ! c’est une basse, un dieu et on ne peut…

- … naturellement, mais dans le Crépuscule des vieux il finira par perdre la partie. Revenons au début de la Tétralogie, à une autre production récente, celle de Mickey Latout qui a eu l’idée géni-â-le de convertir le métal précieux en bitcoins. Est-ce que vous percevez ce qu’une telle transaction peut apporter à votre œuvre ?

- C’est un véritable…

Elle lui coupe à nouveau la parole :
- …oui, naturellement, tout dépend du taux de conversion. Mais changeons d’approche. Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous face à certains critiques qui parlent d’un mastic multicolore étendu presque uniformément à propos de votre orchestration ? Est-ce que vous cherchez vraiment à mêler les sons dans une grande marmite pour en extraire une potion magique sonore que seuls les orchestres germaniques savent appréhender avec cette densité inexprimable issue du houblon et de la sidérurgie ?

Légende bretonne

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Il était une fois… lorsque des consignes sanitaires très strictes faisaient de notre ordinateur un compagnon encore plus fréquenté qu’à l’ordinaire, je naviguais sur la toile sans savoir où me menait ma dose quotidienne de coups de souris. Comment ai-je atterri sur le nom d’Alexandre Georges ? Souvenir de jeunesse puisque c’était le père de mon premier professeur de piano, Bernadette Alexandre-Georges, une disciple de Cortot à qui je dois ma vocation de musicien. 

Le papa, Alexandre, dont la photo trônait sur le piano pendant mes leçons, avait été formé à la dure école Niedermeyer (comme Fauré). Né en 1850, organiste de l'église Saint-Vincent-de-Paul à Paris, très célèbre de son vivant, il était joué régulièrement à l'Opéra de Paris mais tomba totalement dans l’oubli après sa mort en 1938.

En 1904, il avait reçu commande de la pièce pour trompette et piano imposée au concours final du Conservatoire de Paris, la Légende de Larmor, dont on trouve quelques enregistrements sur Youtube. Après consultation de notre magicien de la trompette, Romain Leleu, nous tombons d’accord sur le fait que l’œuvre mérite d’être exhumée. L’idéal serait de pouvoir la jouer avec orchestre, ça parle davantage que la version trompette-piano. Une orchestration de musique française, c’est Anthony Girard qu’il nous faut. Il accepte de s’embarquer dans le projet et le répertoire des trompettistes se trouve en quelques clics enrichi d’une belle pièce avec orchestre que nous présentions en ce début d’année, loin des côtes bretonnes, au public lituanien de Kaunas. Grand succès. Nul doute qu’elle fera carrière.

Papier à musique : Calligraphie debussyste

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Qui n’a pas rêvé d’avoir accès aux manuscrits des plus grands compositeurs, rêve devenu réalité dans une certaine mesure, depuis que les détenteurs de ces manuscrits acceptent qu’ils soient reproduits en tout ou partie. Sans dénier l’interêt de certains livres qui proposent des pages isolées de grands manuscrits, le musicien cherchera plutôt des fac-similé complets pour s’immerger totalement dans l’œuvre concernée et tenter d’en comprendre la gestation, une approche graphologique en quelque sorte, une approche pleine de surprises. Rien de nouveau dans le fait que le côté brouillon parfois indéchiffrable des manuscrits de Beethoven révèle une personnalité tourmentée et passionnée. On le savait. De même, l’écriture bien ordonnée de Jean-Sébastien Bach correspond parfaitement à la musique structurée qu’il nous a livrée. Mozart, plus difficile ; ça part dans tous les sens. Ravel, de belles pages d’écriture. Berlioz, Mahler, de parfaits reflets de l’instabilité de ces compositeurs. Et Debussy ? Plus besoin d’aller à la BNF, le manuscrit de La Mer est à présent disponible en fac-similé (Bärenreiter), accompagné d’une analyse de Denis Herlin et Mathias Auclair. Depuis l’époque des premières publications en fac-similé, les techniques de reproduction ont fait des progrès considérables, notamment les contrastes qui rendent lisibles les moindres détails. Et ils sont essentiels car Debussy aimait les pattes de mouches.

Le chef d’orchestre qui ouvre un tel volume commence par chercher les différences. Bien sûr les fanfares à la fin des Dialogues du vent et de la mer. Elles sont bien présentes dans le manuscrit original, mais elles avaient été supprimées dans la seconde édition qui a servi de référence pour la postérité et on les joue rarement aujourd’hui. J’ai eu la chance d’entendre Ansermet diriger La Mer à la fin de sa vie. Il les avait rétablies et m’avait expliqué que c’était le choix ultime de Debussy. Dont acte.

Où s’arrête le progrès ?

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La récente incursion des tablettes tactiles dans le monde de la musique a été saluée comme une curiosité par certains, un progrès par d’autres. Au-delà des questions qu’il est légitime de se poser, notamment comment remplacer le bon vieux crayon (le stylet ?), comment préserver à l’orchestre pupitre par pupitre ses annotations personnelles (doigtés, pense-bêtes…), les avantages sautent aux yeux : finis les coups d’archets ou les corrections à recopier sur toutes les parties identiques, finies les tournes mal placées grâce à une pédale qui vous fait passer d’une page à l’autre, finis aussi les gribouillages que les bibliothécaires s’appliquaient à effacer. Et là je rejoins Du Bellay au rayon des Regrets : des générations de musiciens d’orchestre ont tagué leurs parties, au point de laisser des énigmes à leurs successeurs, comme certains palmiers sur les parties de trompettes de la suite de valses du Chevalier à la rose (cherchez ; pas facile à trouver ; bon, je vous aide : fredonnez « Tahiti » sur le thème principal…). Moins énigmatique le paquet de Camel collé sur une partie de violoncelle des Steppes de l’Asie Centrale. Logique, comment voyageait-t-on en Asie Centrale du temps de Borodine ? Certainement pas en TGV. On murmure même dans les milieux bien informés que pour utiliser ce matériel, il faudrait désormais ajouter la mention « Nuit gravement à la santé ». Jouer Borodine pourrait être assimilé à du tabagisme passif ?

Mais revenons à nos moutons. Le progrès en musique, certains considèrent qu’il date de l’IRCAM avec l’incursion de l’ordinateur dans la création. D’autres remontent aux ondes martenot. Certaines caricatures du XIXe siècle montrent Adolphe Sax avec ses terribles découvertes. En ce qui me concerne, je l’ai vraiment perçu lorsque les chefs d’orchestre ont pu disposer de baguettes en fibre de verre. Comme les sauteurs à la perche, nous avons troqué le bois, trop fragile, contre ce matériau révolutionnaire. Entre sa découverte, dans les années trente, et son exploitation en musique, il aura fallu attendre quarante ans. Quel changement ! Finies les baguettes cassées. Si ces petites tiges blanches de liège coiffées pouvaient parler, que de notes justes et moins justes remonteraient à la surface, que de moments d’émotion, que de tensions, que de plaisirs partagés.

Un peu plus tôt avait surgi le métronome de poche : cette sorte de montre à gousset avait chassé la pyramide « tic-tac » de Maelzel qui trônait sur le piano dans toutes les bonnes familles, et qui se déréglait régulièrement (mais on constate aujourd’hui un retour en force aujourd’hui, relooké et modernisé). Peut-être le métronome aurait-il même totalement disparu sans Ligeti qui a assuré sa postérité avec son Poème symphonique pour 100 métronomes ; ou sans les querelles de musicologues qui se disputent la vérité autour de celui de Beethoven (détraqué ou non ?). Depuis, l’électronique a pris le relais, et même internet puisqu’il est facile de trouver son tempo en ligne. 

Stakhanovisme ou juste mesure ?

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Parfois surgit d’un recoin de ma mémoire cette anecdote (vécue) qui se déroule à Paris il y a une soixantaine d’années, lorsque les instrumentistes d’orchestre n’étaient pas liés pas une obligation de priorité vis-à-vis de leur formation d’appartenance. Un illustre chef allemand vient diriger l’une des associations symphoniques parisiennes. Était-ce Colonne ou Lamoureux ? je ne m’en souviens plus. Au programme la Grande Symphonie de Schubert, avec le magnifique solo de hautbois qui ouvre le deuxième mouvement. Jeudi matin, le chef demande deux ou trois choses précises au hautboïste. « Bien maestro, avec plaisir ». Vendredi matin, le chef découvre un autre instrumentiste à la même place. Nouvelle demande. « Bien maestro, avec plaisir ». Samedi matin, nouveau remplacement. Demandes renouvelées. « Bien maestro. Mais je voudrais vous dire, ce n’est pas moi qui ferai le concert…».

Heureusement, ce genre de situation n’existe plus dans nos orchestres. Mais elle est révélatrice des problèmes que peuvent engendrer les cumuls, quelle qu’en soit la raison. À l’époque, bon nombre de musiciens jonglaient d’un orchestre à l’autre pour survivre, tant les rémunérations étaient misérables.

Les temps ont changé et on a l’impression aujourd’hui que ce ne sont plus les instrumentistes d’orchestre qui pratiquent ce jeu de chaises musicales, mais les chefs eux-mêmes. Lorsque je faisais mes premiers pas dans le métier, il était de bonne guerre que les chefs les plus occupés envoient un assistant pour faire les premières répétitions. Ces illustres baguettes arrivaient la veille du concert, au mieux pour la dernière répétition avant la générale. Formidable école pour l’assistant, mais aussi grande frustration. Je me rappelle avoir préparé Falstaff avec une distribution extraordinaire et avoir dû céder la baguette après trois semaines de répétitions au chef désigné qui dirigeait au Met pendant que je lui préparais le terrain. C’était la règle.

Aujourd’hui, il ne se passe pas une journée sans que l’on apprenne que tel ou tel chef d’orchestre, déjà directeur musical d’un ou de deux orchestres éminents, vient d’être nommé à la tête d’un troisième. En général, le directeur musical d’un orchestre dirige environ un tiers des concerts de la saison. S’y ajoute le temps qu’il doit consacrer à la gestion artistique, aux concours de recrutement, à la programmation… largement de quoi occuper un seul homme ou une seule femme. Avec deux orchestres, c’est acrobatique. Avec trois, c’est du trapèze sans filet. Ne parlons pas du temps de préparation personnelle pour apprendre de nouvelles œuvres, par exemple. Ces chefs jonglent avec le même répertoire qui tourne en boucle. J’ai même assisté à un concert où l’une de ces grandes baguettes, un Russe qui défraie aujourd’hui la chronique pour des raisons extra-musicales, a osé se présenter à la tête de l’Orchestre philharmonique de Vienne en déchiffrant littéralement une symphonie de Sibelius. Avait-il fait lui même les répétitions ? Cette année-là, il était en tête d’un classement établi par un magazine d’Outre-Manche avec 88 prestations publiques en douze mois. Il n’était pas (et il n’est pas) le seul, loin de là.

Identité musicale

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La récente disparition de Bernard Pivot a fait revivre des souvenirs qui n’étaient pas nécessairement littéraires : chaque vendredi soir, le Concerto pour piano n°1 de Rachmaninov servait d’introduction à Apostrophes, qui restera l’une des plus belles émissions culturelles à la télévision. Ce générique que nous avons entendu plusieurs centaines de fois a donné au « petit frère » des concertos de Rachmaninov une notoriété que seuls le deuxième et le troisième avaient acquises. Notoriété différente, basée sur un court extrait, notoriété dans les mémoires, chacun reconnaissant d’emblée cette musique, généralement sans en connaître l’identité. Ce qui est le sort de la plupart des génériques, à commencer par celui de l’UER, le Te Deum de Marc-Antoine Charpentier (pour être plus précis l’un de ses six Te Deum) dont la brillante carrière internationale de générique à la télévision publique débuta en 1953 avec le couronnement de la reine Elizabeth II. Plus tard, il allait connaître la gloire comme prélude à la plupart des retransmissions des grands évènements européens. Mais qui en connaissait alors l’identité ? Carl de Nys venait juste de l’exhumer et il n’y avait qu’un seul enregistrement sur le marché.

On peut se demander ce qui fait le succès d’un générique. Il doit en principe être en relation avec le sujet de l’émission, une sorte de mise en condition. Mais pas toujours. En dehors du goût personnel du producteur, quel lien trouver entre La Fileuse de Mendelssohn et Le Masque et la plume ? ou entre la Symphonie du Nouveau monde et Santé à la une ? Dans un cas comme dans l’autre, c’est la notoriété de la musique qui est mise au service de l’émission. Inversement, le générique des Dossiers de l’écran (Spirituals for orchestra de Morton Gould) aurait pu sortir son compositeur de l’anonymat. Mais c’était davantage un effet qui était recherché et non la mémorisation d’une musique associée à l’émission. On retrouve la même démarche avec Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, autrefois générique du journal de La Cinq. À l’époque, cette musique était indissociable du film de Stanley Kubrick et, pour la majorité des téléspectateurs, ce n’était pas une œuvre de Richard Strauss mais simplement la musique de 2001 Odyssée de l’espace. Robert Hersant, alors actionnaire majoritaire de la chaîne, avait lui-même imposé ce générique. Peut-être voulait-il suggérer que ce journal allait évoluer dans un univers différent ? L’espace a toujours fait rêver.

Dans les années 1960-70, le vendredi soir, François Serrette avait à cœur de démontrer aux auditeurs de France Musique que Les Jeunes Français sont musiciens. Et pour préluder à chacune de ses émissions, un extrait de L’Enfant et les sortilèges de Ravel, « L’Arithmétique ». Rarement un générique suscita autant de curiosité. Seuls quelques connaisseurs l’avaient identifié et, à chaque écoute, un « qu’est-ce que ça peut-être ? » récurent trottait dans la tête de tout un chacun. Interrogé par le biais du courrier des auditeurs (impensable mais vrai, internet n’existait pas !), François Serrette donnait parfois la réponse à l’antenne, ce qui incita alors les plus curieux à vouloir connaître le chef d’œuvre ravélien dans son intégralité. Un bon générique bien ciblé peut donc avoir des vertus pédagogiques.