Concours international Long-Thibaud-Crespin : Finales

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Un dénouement heureux ? Certainement oui, surtout pour Kenji Miura, le grand lauréat du Concours international Long-Thibaud-Crespin. Élu sous le principe de « tout ou rien », le Japonais vient en effet de remporter les plus grands lots de cette édition du concours dédiée au piano. Soutenu par la présidente du jury Martha Argerich et huit autres membres, le pianiste remportera avec lui des jolis souvenirs parisiens : le Premier Grand Prix Marguerite Long, le Prix de la meilleure interprétation du concerto mais aussi le Prix Warner Classics et celui de Harrison Parrott. Si, sur le papier, Kenji Miura semble avoir réussi de monopoliser le concours, les finales, divisées en deux soirées, ont pourtant permis d'apprécier les talents de ses collègues, tout aussi intéressants que différents.

Parmi tant de concertos interprétés au cours de deux soirées, il a été difficile de se retrouver et de comparer d’une manière objective les qualités de chaque candidat. La retenue et le sens du style n'ont donc pas été suffisants pour s'imposer avec le Concerto pour piano et orchestre n°1 de Beethoven, interprété par la Russe Alexandra Stychkina (5e Grand Prix) et le Français Clément Lefebvre (6e Grand Prix). Si un écart de quinze ans sépare les deux candidats (respectivement âgés de 15 et de 30 ans), c'est surtout leur manque de prise de risques qui les a empêchés de se distinguer plus parmi tant de personnalités charismatiques. Si, dans sa version du Concerto pour piano et orchestre n°2 de Chopin, Kenji Miura a dévoilé sa musicalité malgré le contrôle persistant et le manque d'élans, c'est surtout Keigo Mukawa (2e Grand Prix), Zhora Sargsyan (3e Grand Prix) et Jean-Baptiste Doulcet (4e Grand Prix) qui ont séduit le plus. Tandis que Mukawa a rendu justice au 5e Concerto pour piano et orchestre (« L'Égyptien ») de Saint-Saëns et s'est montré à l'aise avec son très virtuose troisième mouvement, Sargsyan a proposé une trentaine de minutes de feux d'artifices avec le 1er Concerto pour piano et orchestre de Rachmaninov. Entre leurs qualités techniques et le côté spectaculaire de leurs prestations, c'est avec ces deux pianistes que le concours a commencé à prendre une autre forme qui n'avait plus rien d'une simple épreuve fastidieuse. Cette sensation a été encore mieux ressentie en écoutant Jean-Baptiste Doulcet dans le 3e Concerto pour piano et orchestre de Béla Bartók qui a clôturé le Concours. Le coup de cœur du public de ces finales s'est donc posé tout naturellement sur lui, distingué par le Prix du public. Le pianiste, qui s'est déjà illustré par son disque Beethoven/Schumann de 2017 (Label Les Spiriades), a su créer une symbiose parfaite avec l'Orchestre National de France (dir. Jesko Sirvend), pas toujours dans sa meilleure forme lors des épreuves finales. Leur Bartók ne manquait pas d'originalité et a surtout dévoilé le pianiste, capable de remplir à lui tout seul l'auditorium de Radio France.

Le dénouement heureux (car Kenji Miura incarne toutes les qualités du gagnant parfait) de cette édition 2019 du concours Long-Thibaud-Crespin a montré encore une fois qu'un groupement "sportif" de candidats n'est qu'une chose et que faire une belle carrière en est une autre. En espérant que Miura profitera comme il se doit de cette victoire pour démarrer un avenir pianistique qui ne sera pas éphémère.

Gabriele Slizyte

Paris, Auditorium de Radio France, les 15 et 16 novembre 2019

Crédits photographiques :  Masha Mosconi

 

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