Guy Danel présente le programme la Biennale Chamber Music for Europe
Guy Danel fondateur de la biennale Chamber Music for Europe nous présente le programme de cette édition 2019.
Le programme répond à plusieurs souhaits : donner une image relativement large de l’œuvre de Weinberg tout en restant dans le contexte de la musique de chambre et, en même temps, proposer des opus auxquels je suis particulièrement attaché. Avec les six quatuors et un trio à cordes, le trio et quintette avec piano, et des pièces pour orchestre de chambre, nous parcourons 50 ans de création de l’Aria op. 9 à sa dernière pièce achevée, la Symphonie de chambre op. 153.
Le concert du 6 décembre à la Chapelle Protestante est certainement celui où l’empreinte de mes inclinations particulières s’exprime le plus. L’Aria op 9 (1942) est d’une tendresse toute schubertienne qui permet d’entrer paisiblement dans l’univers musical de Mieczyslaw Weinberg, seul à Minsk, âgé de 23 ans. Le quatuor n°5 (1945) propose des atmosphères contrastées, dans une écriture qui prouve l’indépendance de son écriture par rapport à Chostakovitch et montre la maturité de l’écriture d’un jeune compositeur de 26 ans. Le Trio à cordes op. 48, écrit en pleine campagne « anti-formalisme » qui secoue le monde des Arts soviétiques, par sa simplicité, fera une transition juste pour nous guider vers le plus expérimental des quatuors de Weinberg : le 15e (1980).
Le programme du 7 décembre, conçu avec le Silesian Quartet, est attaché au nom du Quatuor Borodine et les 7e et 8e sont parmi les œuvres avec lesquelles j’ai découvert Weinberg. Dans son 7e Quatuor (1957), Weinberg témoigne encore un fois de son sens de la mélodie. Le 2e mouvement aux consonances klezmer rappelle la délicatesse de l’Aria op. 9. Et le final est à la fois l’un des « thème et variations » les plus ambitieux de la littérature du quatuor à cordes et, en même temps, suit une forme en miroir : une science de l’écriture étonnante. Le 8e Quatuor (1959) est un bijou qui nous plonge dans des ambiances colorées par un langage plus « folklorique » propre à Weinberg. Le 17e Quatuor (1987), ultime pièce du cycle, est peut-être l’un des plus lumineux. Tous ont été joués, créées ou dédiés à nos professeurs du Quatuor Borodine.
Au Palais des Académies le dimanche matin, j’ai programmé deux œuvres d’une vitalité exceptionnelle écrites par un jeune compositeur, pianiste d’exception, depuis peu ami proche de Chostakovitch qui lui confiera la création de certaines de ses œuvres. Marque de déférence de Weinberg à son ainé, le Trio op. 24 (1945) commence par un Prélude néo-classique magistral. La Toccata d’une rapidité euphorisante, le Poème d’un lyrisme rêveur, le Final aux caractères multiples : 4 mouvements singuliers créant une étonnante unité. Le Quintette op. 18 (1944) témoigne de la puissance créatrice de Weinberg. Mélodies sereines, marches naïves, rengaines anachroniques, valses de cabaret, gigues irlandaises, rondes motoriques… ses rapprochements géniaux et savamment orchestrés, ces cinq mouvements convainquent à chaque fois. Une œuvre exceptionnelle !
Pour le concert du dimanche après-midi dans la grande salle du conservatoire, le programme du dernier concert a été établi avec Raphaël et Camille Feye, responsables artistiques de l’orchestre les Métamorphoses. Mon invitation résulte de l’envie de faire connaître un autre aspect de Weinberg, le compositeur au 26 symphonies dont certaines sont conçues pour des effectifs originaux. D’autre part, le violoncelle tient une place particulière dans l’œuvre de Weinberg, avec 4 sonates et 24 préludes pour violoncelle seul, 2 sonates avec piano, la Fantaisie op. 52 (1951-53) et le Concertino op. 43bis (1948) -présentés lors de la Biennale, et enfin le Concerto op 43 qui est une « augmentation » du Concertino… et des partitions de quatuors extraordinaires. Ceci nous permettra d’entendre l’excellent violoncelliste Pieter Wispelwey que je cite : « J’ai aussi l’intention de me concentrer sur la musique des compositeurs d’après-guerre : Roslavets, Tcherepnin, Weinberg… ». Les quatre Symphonies de chambre, écrites entre 1987 et 1992, s’appuient, pour les trois premières, sur les thèmes respectivement des Quatuors n°2, 3 et 5, comme un regard parcourant 70 ans de vie dédiée à la composition ; la 4e, op.153, est l’ultime œuvre achevée de Weinberg. Une musique souvent retenue, riche en citations, où la clarinette rappelle les musiques où Weinberg a puisé son équanimité.
Le site de la Biennale Chamber Music for Europe : http://www.chambermusiceurope.org/cms/biennale
Crédits photographiques : Copyright Olga Rakhalskaya.
Légende : M.Weinberg sans son cabinet de travail écrivant en 1962 le Cycle Old Letters, Op. 77, huit romances pour soprano et piano sur des textes de Julian Tuwin. Sur cette photo, nous pouvons voir un portrait de son ami Chostakovitch et de de Tuwin, un poète auquel Weinberg était très attaché.