Concours Reine Elisabeth : dernière soirée et résultats

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Ils étaient 64 au premier tour pour finir à 12 ce soir. Trois épreuves, deux avec piano, une avec orchestre. Félicitons d'ailleurs chaleureusement Roland Boër et l'Orchestre symphonique de la Monnaie qui ont su accompagné les candidats avec professionnalisme et attention. Avant de communiquer les résultats au public, les membres du jury doivent encore entendre trois prestations : deux Asiatiques et une Belge.

Seung Jik Kim lors des demi-finales ©runo Vessiez
Seung Jik Kim lors des demi-finales ©runo Vessiez

Prestation médiocre pour Seung Jick Kim. Candidat qui nous avait pourtant intéressé lors de la demi-finale, il tombe ici dans de graves problèmes techniques. Il commence par Strauss (Allerseelen) où son émission vocale est extrêmement faible ainsi que ses aigus pas toujours homogènes. Une structure peu aboutie et des phrases mises bout à bout. Mêmes remarques dans Puccini (« Che gelida manina, La bohème) alors que l'orchestre respecte au maximum la voix du chanteur. Technique faible malgré un beau timbre légèrement engorgé. Le coréen ne semble à nouveau pas très convaincu de ce qu'il fait : même énergie dans chaque pièce, aucune vraie différence de style et une technique qui tend à le faire ralentir. Très peu de contrastes, plutôt une linéarité indélogeable. Il n’envoûte pas plus l'auditeur dans Rachmaninov (Ne poy, krasavitsa, pri mne). Le tempo est assurément lent alors que le chef tend à le pousser. Son manque de technique évident l'empêche d'exploiter des capacités sous-jacentes. Malheureusement, on ne l'entend guère mieux ici. Gounod (« Quel trouble – Salut, demeure chaste et pure, Faust) ne lui convient pas davantage. Diction moyenne, très peu de contrastes, des dynamiques peu contrôlées et une seule couleur générale. Un tempo encore lent qu'il ne tente pas d'améliorer. Difficile de juger un candidat lorsqu'on ne l'entend pas (trop peu d'émission). Mêmes soucis dans Verdi (« Ingemisco », Requiem) où la diction n'est pas du tout claire et le style pas au rendez-vous. Les épreuves précédentes avec piano présageaient nettement mieux de sa part, on reste ici sur notre faim.

Sheva Tehoval lors des demi-finales © Bruno Vessiez
Sheva Tehoval lors des demi-finales © Bruno Vessiez

Meilleure prestation pour Sheva Tehoval. Bien que nous ayons pu dire que ses précédentes prestations semblaient tendues, elle affirme le contraire ce soir, parfois trop. Elle débute par Donizetti, déjà chanté en première épreuve (« Quel gardo il cavaliere – So anch'io la virtu magica », Don Pasquale). La diction est très claire et souligne la justesse de ton. Le style est fin et les aigus contrôlés. On apprécie par moment son style légèrement aguicheur, qu'elle ne doit pas accentuer plus au risque de superficialité. Une très bonne technique est également développée pour Haendel (« E pur cosi in un giorno – Piangero la sorte mia », Giulio Cesare). Le récitatif est affecté comme il faut dans une construction idéale. On y trouve un timbre pur, moins théâtral et quelques couleurs exquises. La partie rapide est vocalement intéressante et offre une belle construction des phrases. Très belle interprétation de « Ah, je veux vivre » (Roméo et Juliette, Gounod) : c'est frais, amusant, entraînant avec un texte rarement aussi bien articulé. On remarque certains à-coups lors des vocalises descendantes. Elle poursuit avec finesse dans Rusalka de Dvorak (« Mesicku na nebi hlubokem »). Certes l'exécution vocale de cet air était bien réussi, cependant on ne perçut pas toute la détresse de Rusalka qui doit nous bouleverser dans cet air poignant. Le timbre est joli, la diction claire et les contrastes judicieux. Sheva Tehoval déplie une excellente technique débordante d'énergie pour Rossini (« Una voce poco fa », Il Barbiere di Siviglia) et construit intelligemment le personnage. Les dynamiques sont intéressantes et intégrées dans un tempo juste. La plus jeune candidate du concours doit encore améliorer certains points techniques mais propose déjà une prestation de haut niveau.

Shao Yu lors des demi-finales © Bruno Vessiez
Shao Yu lors des demi-finales © Bruno Vessiez

Un candidat touchant à la technique parfois fragile. Yu Shao commence avec Haydn (« Und Gott schuf den Menschen – Mit Würd und Hoheit angetan », Die Schöpfung). Le récitatif est rudement bien mené dans la clarté et la simplicité. Il propose ensuite de belles phrases colorées mais comportant des aigus un peu tendus causant une justesse imparfaite. Il poursuit joliment avec Nicolai (« Horch, die Lerche singt im Hain », Die Lustingen weiber von Windsor) qu'il avait déjà chanté à la première épreuve. Aigus toujours un peu fragiles alors que certains sont d'une douceur extraordinaire. Partition qui lui convient bien, il lui apporte un réel soutien, accentué par le dialogue avec l'orchestre. De beaux efforts dans Lalo (« Puisqu'on ne peut fléchir – Vainement, ma bien aimée », Le roi d'Ys), notamment quelques contrastes réussis mais on perçoit une tension omniprésente. Le timbre est un peu moins riche ici, handicapant le candidat dans ses dynamiques. Très bon allemand dans Mozart (« Dies Bildnis ist bezaubernd schön », Die Zauberflöte). La technique est trop juste ici et cause des ralentissements fréquents. Le caractère touchant du début réapparaît dans Tchaïkovski (« Kuda, kuda », Evgeny Onegin). Il est plus à l'aise tant pour la technique que les contrastes et le texte. Le candidat reste néanmoins trop en retrait dans cette partition si émouvante. Il n'explore pas assez les registres doux qui mériteraient ici une meilleure construction. Bonne prestation générale pour candidat qui privilégie la musique à la technique, dans la même lignée que les épreuves précédentes.

Vers 23h30, Arie Van Lysebeth annonce le classement des douze candidats :

1: Sumi Hwang (Soprano, Corée)
2 : Jodie Devos (Soprano, Belgique)
3 : Sarah Laulan (Mezzo-soprano, France)
4 : Yu Shao (Ténor, Chine)
5 : Hyesang Park (Soprano, Corée)
6 : Chiara Skerath (Soprano, Suisse)

Lauréats non classés (par ordre alphabétique)

Emoke Barath (Soprano, Hongrie)
Daniela Gerstenmeyer (Soprano, Allemagne)
Seung Jick Kim (Ténor, Corée)
Levente Pall (Basse, Hongrie-Roumanie)
Sheva Tehoval (Soprano, Belgique)
Hansung Yoo (Baryton, Corée)

Le Concours Reine Elisabeth de chant se clôture. Prochaine session : violon !

Prix Jacques Stehman, Prix Musiq'3, Prix du public : Jodie Devos

Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Bozar, le 31 mai 2014

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