Dmitri Liss au sommet !
Olga Victorova (*1960) : Quinlong Azure Dragon ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°10 en mi mineur, Op. 93. Phiharmonie Zuidnederland, Dmitri Liss, direction. 2019-DDD-58’50-Textes de présentation en anglais, français et néerlandais-Fuga Libera-FUG756
Enthousiasme, énergie, passion et amour sont au cœur de ce programme mené tambour battant par Dmitri Liss. Enthousiasme quand l’on perçoit la dynamique émanant de chaque musicien pour offrir le meilleur. Énergie en réponse à la précision des attaques de chacun des pupitres gravitant autour d’une direction évidente. Passion pour la conduite des phrases et plus particulièrement le souffle. Amour si l’on conjugue l’attachement du chef pour une partition et l’admiration pour un tableau aux multiples facettes sonores de son épouse, Olga Victorova. Plus objectivement, ce CD a de quoi plaire à tous niveaux. Enregistré en octobre 2018, le programme oppose deux facettes passionnantes. La partition d’Olga Victorova est un panier de dynamiques, effets sonores et surprises en tout genre. Elle parvient admirablement à combiner des effets techniques (particulièrement pour les cordes) à un tapis grondant, presque éprouvant. Entre allures de fêtes à la Stravinsky et une souplesse réconfortante volontairement interrompue par une forme de motricité rythmique, Olga Victorova laisse libre cours à son imagination autour de Quinlong, dragon chinois d’azur. A l’inverse, faut-il rappeler que Chostakovitch a longtemps souffert d’une forme d’enfermement dans son écriture de par les réprimandes politiques. Souvent désavoué et déshonoré, il écrit cette Dixième symphonie après la mort de Staline, son bourreau. Profondeur (premier mouvement), folie (deuxième mouvement), ironie (troisième mouvement) et noirceur (quatrième mouvement) font de cette symphonie un chef-d’œuvre percutant. Percutant, vraisemblablement le mot le plus adéquat pour cette lecture live, tant Liss et l’orchestre ne font qu’un. C’est criant de précision mais aussi et surtout de vérité. Au fur et à mesure de l’écoute, on a l’âme déchirée. L’histoire bouleversante d’un compositeur insulté, jeté dans la boue, colle à chacune des notes comme un cri de douleur mais aussi tel un sentiment de délivrance. « Tragédie optimiste » selon le compositeur Andreï Volkonski, la boucle est bouclée. La Philharmonie Zuidnederland et son chef présentent ici un travail de titan sur le matériau, les dynamiques, les couleurs… mais plus encore sur l’aspect dramaturgique. En ce sens, cette lecture mérite sa place au côté des versions les plus respectées.
Ayrton Desimpelaere
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10