« Fermez vos yeux et écoutez le chant de la lumière » - Become Desert de John Luther Adams

par

John LUTHER ADAMS (°1953) Become Desert. Seattle Symphony, Seattle Symphony Chorale, Ludovic Morlot (direction), 40’23, texte de présentation en anglais, CA21148.

Après Become River, écrit pour le Saint-Paul Chamber Orchestra et Become Ocean écrit pour le Seattle Symphony et son directeur musical Ludovic Morlot, le compositeur américain John Luther Adams (à ne pas confondre avec son compatriote John Adams, l’auteur de Nixon in China, Shaker Loops, et Doctor Atomic) clôt sa trilogie de fresques musicales monumentales avec Become Desert

Si en 2013, Become Ocean soumettait l’auditeur au rythme naturel et inexorable des vagues, de leur calme illusoire à la plus titanesque des tempêtes, Become Desert le confronte à la solitude hypnotique du désert. Adams crée un panorama sonore où les changements sont lents, progressifs et minuscules. Ici, un rayon de lumière jaune se dévoile imperceptiblement, là un grondement de tonnerre rugit au loin. 

Il ne faut pas chercher un récit musical rocambolesque. Nous sommes ici à des années-lumière des univers épiques et conflictuels de Strauss ou Prokofiev. Les mélodies sont inexistantes, le paramètre rythmique utilisé parcimonieusement et John Luther Adams affirme qu’il ne développe qu’une seule texture musicale tout au long de la pièce. Mais il n’en faut pas nécessairement plus. Il suffit de lâcher prise, de laisser libre cours à l’imagination portée par les infimes changements d’instrumentations et les vagues sonores qui nous submergent.

Certains récalcitrants verront dans Become Desert une forme d’ambient music mièvre -qu’ils se détrompent ! Loin de cette léthargie amorphe, les 40 minutes se structurent en miroir : on commence dans la stratosphère avec une orchestration limpide, le suraigu des violons se mêlant au scintillement des crotales, avant de descendre progressivement sur terre. Là, au centre de l’œuvre, alors que l’orage gronde et qu’un chœur de 32 voix entonne Luz (lumière en espagnol), la grandeur du paysage semble s’offrir à nous. Le Great American Landscape nous dévoile alors un message lourd de sens, universel, éternel et indicible. Serait-ce le message de conscience environnementaliste que prône Adams ? Become Desert est à la fois une célébration des déserts qui nous sont offerts, et une lamentation des déserts que nous créons. Chacun est évidemment libre d’interpréter cette musique comme il l’entend… La révélation faite (quelle qu’elle soit), la musique remonte aux cieux exactement comme elle en était descendue au début. 

La qualité sonore de l’enregistrement et l’interprétation sont excellentes, même si rien ne peut rivaliser avec une performance live. Initialement, l’œuvre avait été conçue pour le Benaroya Hall de Seattle où l’orchestre était divisé en 5 parties, placées stratégiquement autour du public, l’enveloppant de son. Heureusement, l’album inclut un DVD qui permet l’audition en stéréo ou surround sound en visionnant des images de désert choisies par le compositeur lui-même. 

Pierre Fontenelle, Reporter de l’IMEP

 

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