Fine lecture des Quatuors de jeunesse de Mozart
The Milanese Quartets – Lodi Quartet. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Quatuors à cordes no 1 en sol majeur K. 80. Quatuors à cordes no 2-7 en ré majeur, sol majeur, ut majeur, fa majeur, sib majeur, mib majeur K. 155-160. VenEthos Ensemble. Giacomo Catana, Mauro Spinazzè, violon. Francesco Lovato, alto. Massimo Raccanelli, violoncelle. Août 2020. Livret en anglais, français et italien. TT 41’57 + 49’49. Arcana A497
Le vinyle gravé par le quatuor Barchet au début des années 1950 (Vox) portait encore la désignation d’opus supposé K. Anh 210-213, nous rappelant que ces œuvres juvéniles ne sont pas les plus célèbres du catalogue mozartien, ni les mieux documentées. Suivront la série des six quatuors « viennois » K. 168-173, les six chefs-d’œuvre dédiés à Haydn, le « Hoffmeister » K. 499 et finalement les trois « prussiens » commandés en 1789 par Frédéric-Guillaume II. Même si sont connus les dates et lieux de rédaction des six « milanais » rédigés à l’automne-hiver 1772-1773 à l’occasion du troisième séjour dans l’aire lombarde, ces quatuors de jeunesse n’ont pas livré tous leurs secrets, notamment les circonstances d’exécution. On notera la structure tripartite dérivée du genre divertimento, et l’organisation générale du corpus selon les quintes descendantes, dans sa parure définitive.
La série fut rarement enregistrée hors intégrale. En novembre 1970 et septembre 1971 par le Quartetto Italiano chez Philips. Les sessions du Amadeus Quartet (décembre 1975 et juin 1976) clôturaient le cycle achevé par cette formation pour Deutsche Grammophon, sans que l’interprétation un brin guindée n’en constituât le sommet. En revanche, sous la même étiquette jaune, le coffret Frühen Streichquartette des Hagen paru en 1991 à l’occasion du bicentenaire fut salué pour son esthétique impliquant une patine et une intonation inspirée du HIP : la même année où les Festetics (Hungaroton) livraient leur vision elle-aussi subtilement veinée, et sur instruments d’époque.
Le présent témoignage de l’ensemble VenEthos s’engage sur la même piste d’authenticité sonore, sur quatre instruments de facture « à l’ancienne » du luthier Franco Simeoni basé à Trévise, ville d’attache de cette équipe nord-italienne. Sous ses soins, les couleurs et la palette de nuances ravissent dès le K. 80 que le garçonnet Wolfgang conçut dans une auberge de Lodi. Les amateurs de lignes nettes et tendues pourront s’en tenir aux dessins plus denses des Amadeus : les textures semblent ici plus poreuses ou chiffonnées, la diction plus morcelée, voire passagèrement atrophiée, comme si elle n’osait toujours affirmer l’amplitude et la plénitude de ces pages de jeunesse. Dans le K. 156, un des deux sommets du cycle milanais, regrettera-t-on la focalisation évasive accordée au Presto, la tension diffluente accordée à l’Adagio ? On apprécie en tout cas que la plage 11 nous offre en bonus la mouture primitive de ce mouvement central.
L’Andante du K. 159, autre moment fort du cycle, démontre certes les séduisantes qualités de VenEthos, en premier lieu la souplesse et l’expressivité de la respiration. Les instruments parlent avec naturel, les cordes exsudent tout leur suc. Un brin de crispation s’empare de l’Allegro, mais l’élan y est. Et le Rondo final sait conjoindre grâce et caractère, sous ces quatre archets attentifs au froissement des humeurs. Ne manquez pas la conclusion avec ces pizzicati délicatement intégrés à la trame. Globalement, voilà une fine et attachante lecture de ce cahier, parcouru avec une constante sensibilité aux affects et une cohésion stylistique sans défaut. Un surcroît de projection, de netteté et de charisme nous aurait entièrement comblés.
Son : 9 – Livret : 8,5 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 8,5
Christophe Steyne