Finzi : musique chorale des îles britanniques

par

Gérald FINZI (1901-1956) : Oeuvres chorales : Magnificat, Welcome sweet and sacred feast, My lovely one, God is gone up, Nunc dimittis, White-flowering days, All this night, Seven Poems of Robert Bridges et Lo, the full, final sacrifice. The Choir of Trinity College Cambridge, Trinity Brass, Alexander Hamilton et Asher Oliver, orgue ; direction : Stephen Layton. 2019. Livret en anglais. 74.22. Hypérion CDA68222.

Gérald Finzi disposait des moyens qui lui épargnèrent toujours le souci du pain quotidien. Fort doué, il s’était contenté de leçons particulières avec R.O. Morris et se sentait également attiré par ses cours à la Royal Academy of Music et la vie à la campagne, où il excellait à la culture des pommes. Sa modestie, son goût pour la nature (et, bien sûr, du folklore) se retrouvent dans son œuvre mélodieuse et souvent pastorale : son concerto pour clarinette et son concerto pour violoncelle, toujours très appréciés des virtuoses de ces instruments, ses belles mélodies sur des thèmes de Thomas Hardy ou ses œuvres chorales comme Dies Natalis (sur un texte de Traherne), Intimations of Immortality (Wordsworth) ou Let us Garland brings (Shakespeare). » C’est ainsi que Gérard Gefen expédie en quelques lignes le compositeur inspiré que fut Gérald Finzi dans son Histoire de la musique anglaise (Paris, Fayard, 1992, p. 263). Cela nous laisse sur notre faim car ce Londonien qui décéda à Oxford âgé de 55 ans seulement consacra beaucoup d’énergie à mettre en évidence la musique anglaise du XVIIIe siècle, ce qui se reflète dans la finesse de son orchestration. Il subit aussi l’influence d’Elgar et de Vaughan Williams et de leurs œuvres lyriques. Il existe dans la série « British Composers » du label EMI un merveilleux CD (7 64720 2) qui présente deux facettes de l’art de Finzi : la Grande Fantaisie et Toccata pour piano et orchestre op. 38 composée en deux fois (Grande Fantaisie, fin des années 1920, et Toccata en 1953), dont la fluidité évoque Bach, et l’ode Intimations of Immortality op. 29 pour ténor, chœurs et orchestre, créée en 1950, que nous n’hésitons pas à qualifier de sublime, tant l’élévation poétique sur des poèmes de William Wordsworth atteint des sommets quasi mystiques. William Wordsworth (1770-1850) écrivait pour magnifier un art digne et élevé dans la force de l’esprit, au sein duquel l’émotion spontanée, le souffle et la faculté d’émerveillement domineraient, en communion avec les êtres. L’ode mise en musique par Finzi a été écrite par Wordsworth entre 1803 et 1806 ; il y est beaucoup de questions de nature magnifiée, de prairies, d’oiseaux et de fontaines. Pour EMI, le ténor Philip Langridge, les Chœurs et l’Orchestre Royal de Liverpool, portés par Richard Hickox, plongeaient l’auditeur dans l’extase, celle d’un monde à la fois idéaliste et utopique. 

Ce long préambule au CD Hypérion d’aujourd’hui, qui présente une petite dizaine de partitions chorales de Finzi, était nécessaire car le nouveau projet se situe dans la même optique spirituelle élévatrice. Finzi fait preuve d’un raffinement esthétique qui donne à son écriture une dimension poético-mystique. Il a un goût très sûr pour choisir les textes qu’il enrobe de scintillements musicaux. En font foi les Sept Poèmes de Robert Bridges op. 17 composés entre 1934 et 1937. Hubert Parry et Gustav Holst traduisirent aussi en notes la poésie pure et délicate, mais à la force expressive des vers Bridges (1844-1930). Ici aussi l’esprit domine et la nature irradie de mille feux à travers, par exemple, l’évocation de l’épanouissement floral ou le chant stylisé du rossignol. Six partitions du programme sont accompagnées par l’orgue (enregistrements à la Cathédrale de Hereford en 2018), dont le radieux Magnificat qui ouvre le CD. Gérald Finzi manie l’art de la concision, insistant sur la luminosité du propos comme sur la légèreté de l’harmonie. Il parle au cœur sans sentimentalisme, avec une pudeur qui touche et émeut. On se laisse porter par une inspiration qui crée une atmosphère simple et recueillie. Quatre partitions, dont les poèmes de Bridges, ne nécessitent pas la présence d’un orgue. Leur gravure date de juillet 2017 dans la chapelle du Trinity College de Cambridge. Dans cet univers qui lui appartient, le chœur se déploie en volutes dont les enroulements donnent à la musique de Finzi une spontanéité que dirige Stephen Layton avec un sens consommé du dosage des nuances. Un certain effet de réverbération ajoute aux voix la part d’enchantement.

Son : 9  Livret : 9  Répertoire : 9   Interprétation : 9

Jean Lacroix 

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