Beethoven par Andris Nelsons, le retour de la force !

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Ludwig van Beethoven (1770-1827) : intégrale des symphonies. Camilla Nylund, soprano ; Gerhild Romberger, alto ; Klaus Florian Vogt, ténor ; Georg Zeppenfeld, basse. Wiener Singverein, Johannes Prinz. Wiener Philharmoniker, Andris Nelsons. 2017 et 2019-Livret en anglais et allemand. DGG 483 7071.  

Pas de répit en ce prélude de l’année Beethoven 2020, avec une nouvelle intégrale des symphonies du Grand sourd, par Andris Nelsons au pupitre des Wiener Philharmoniker pour DGG. L’objet est superbe avec son format livre et les 5 CD, complétés par un Blu-ray audio. Cela faisait longtemps que la marque jaune n’avait pas présentée un si bel objet. 

À juste quarante ans, Andris Nelsons se voit offrir l’opportunité de graver son témoignage à la tête de l’un des plus prestigieux orchestres du monde ! Pourtant, à l’inverse de Mahler, Strauss, Chostakovitch ou Stravinsky, Beethoven n’est pas le compositeur que l’on associe spontanément au chef letton... Dès lors, l’approche étonne et dénote : pas de progression dans la maturation du style beethovénien ! Dès la Symphonie n°1, Nelsons impose une vision unilatérale faite de puissance brute et d’un traitement massif des pupitres qui débouchent sur un matériau sonore épais ! Point d’humour ou d’esprit léger dans ces symphonies qui sous d’autres baguettes sonnent “haydiennes”, mais une force impériale démiurgique et intimidante. Cette approche purement instrumentale peut séduire dans les Symphonies n°3, n°5 et n°7 emportées dans ce geste qui s’appuie sur une masse de cordes aux muscles saillants, mais elle manque tout de même terriblement d’allant dans les Symphonies n°4 et n°8. La Symphonie n°9 est quant à elle plombée par cette volonté de passer en pure puissance au risque de raideurs et de duretés.  

Pour qui suit la Philharmonie de Vienne en concert au fil de ses apparitions, ce coffret reflète l’évolution d’une phalange qui semble aimer de plus en plus le gros son ! Les amoureux de ses timbres si particuliers en seront pour leurs frais tant la formation viennoise semble chercher à les effacer dans un creuset fait de puissance et d’impact. 

Dans l’absolu, on notera que les Wiener Philharmoniker, orchestre beethovénien par excellence, semblent perdre le fil de l’histoire de l’interprétation du Grand sourd ! Au final, aucune de leurs dernières intégrales ne peut compter comme une référence depuis celle de Leonard Bernstein dans les années 80 ! Simon Rattle pour EMI s’avère trop expérimental et hybride à vouloir inculquer les bases d’une relecture philologique là où Christian Thielemann pour Sony pêchait par ses excès de rubatos et d'effets de manche. 

Dans le contexte actuel, ce coffret ne peut s’imposer tant la concurrence est rude ! Dans une optique “instrumentale” on restera fidèle à Mariss Jansons, le maître d’Andris Nelsons, avec ses forces de la Radio bavaroise (BR Klassik). Les commentateurs noteront, amusés, que la modeste intégrale d’Adam Fischer et de son Danish Chamber Orchestra, récemment parue sous étique Naxos, est musicalement et instrumentalement bien plus recommandable par son interrogation sur le texte ! 

Son 9 – Livret 8 – Répertoire 10 – Interprétation 6

Pierre-Jean Tribot

 

   

 

         

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