Franz Vitzthum et les Airs sacrés de Händel

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The Life. The Light. The Way. Georg Friedrich HÄNDEL (1685-1759) : Airs sacrés extraits de l’Ode pour l’anniversaire de la Reine Anne HWV 74, de Joshua HWV 64, d’Alexander Balus HWV 65, de Saul HWV 53, de Susanna HWV 66, de Theodora HWV 68 et de Solomon HWV 67 ; Ouverture d’Alexander Balus et de Susanna ; extraits des Concerti grossi op. 3 n° 4 et Alexander-Feast HWV 318. Franz Vitzthum, contreténor ; L’Orfeo Barockorchester, direction Julian Christoph Tölle. 2020. Livret en allemand et en anglais. 63.03. Christophorus CHR 77441.

Né en 1973, le contreténor Franz Vitzthum a fait partie du chœur des garçons des Regensburger Domspatzen, « les moineaux de la cathédrale de Ratisbonne », ville située à une centaine de kilomètres de Munich, chœur dont on dit qu’il serait le plus ancien du monde. Il s’est perfectionné à la Hochschule für Musik und Tanz de Cologne avec Kai Wessel (ce contreténor né en 1964 a notamment participé à l’intégrale des partitions vocales de Bach avec Ton Koopman), avant de se lancer dans une carrière en récitals (fréquents concerts avec le luthiste Julian Behr), en oratorios ou en opéras. Gluck, Steffani, Telemann, Porsile, Homilius, Graupner et bien d’autres font partie de son répertoire. C’est à l’un des compositeurs qu’il a le plus fréquentés, Händel, que le présent récital est consacré.

Doté d’une voix séduisante capable de vocalises aisées et ailées, Franz Vitzthum a choisi des airs sacrés issus d’une série d’oratorios dont la plupart ont été composés au cours des années 1747 à 1749, auxquels viennent s’ajouter un extrait d’Alexander Balus de 1737, d’inspiration guerrière, dont l’Ouverture est aussi présente, et de l’Ode pour l’anniversaire de la Reine Anne de 1713, qui est en réalité une cantate profane et date des débuts de la période londonienne du compositeur. Le choix se justifie ici puisqu’il s’agit de Eternal source of light, avec accompagnement de trompette, air qui plut à ce point à la Reine qu’elle octroya à Händel une rente annuelle et à vie de 200 livres. Placé en début de programme, cet air rayonne de lumière, comme le suggère son titre. Au cours de cette plaisante heure de musique, Vitzthum alterne les ornements délicats avec un panache dynamique et des inflexions vaillantes ou pudiques nourries d’attendrissements caressants. On le découvre dans divers personnages des oratorios choisis, qui semblent tous lui convenir à merveille, qu’il s’agisse de l’air O Lord, whose mercies numberless de l’acte I de Saul (1739), dans lequel David demande à Dieu de calmer la colère du Roi contre lui, de Bless’d be the Lord & What though I trace du Solomon de 1748, qui loue le pouvoir de Jehovah ou vante les actions humaines, ou encore de l’air Heroes when with glory burning de Joshua (1747) qui évoque le courage lors des combats. 

Franz Vitzthum a la capacité de se glisser avec intelligence et un sens de la scène qu’il rend palpable dans divers personnages. Pour la Theodora de 1749, il incarne aussi bien Irène, l’amie chrétienne de l’héroïne dans As with rosy steps the morn, qui clame sa foi (c’est ici que l’intitulé du titre du CD trouve sa source, dans les mots Thou art the life, the light, the way !), que l’officier romain converti Didymus dans The raptured soul, aux redoutables modulations. Deux airs de Susanna (1748) complètent ce programme bien conçu ; ils sont tirés du personnage de Joachim, le mari de la jeune femme accusée de provocation : face aux vieillards menteurs, il affirme l’innocence de son épouse.

Comme des espaces de courte respiration, l’Orfeo Barockorchester interrompt à quatre reprises le récital pour faire entendre deux ouvertures, celle d’Alexander Balus, déjà citée, et celle de Susanna, ainsi que des extraits de concertos. Cet ensemble qui se voue à la musique ancienne depuis une vingtaine d’années, se distingue par la richesse du son, coloré et expressif. Il est dirigé avec finesse par Julian Christoph Tölle, né à Brême en 1966, auteur d’une thèse sur Olivier Messiaen. Ce chef d’orchestre s’est fait un point d’honneur à se lancer dans l’aventure de tous les oratorios d’Edward Elgar, qui lui ont valu une grande reconnaissance en Angleterre. Il apporte au chanteur sa compétence, son énergie et sa science de l’accompagnement. Un CD à savourer, enregistré à la mi-juillet 2019 dans la Neustädler Kirche d’Erlangen, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Nuremberg. C’est une belle confirmation du talent de Franz Vitzthum.

Son : 9  Livret : 9  Répertoire : 9  Interprétation : 9

Jean Lacroix  

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