Duo orgue et percussion en pré-ouverture du Festival Rainy Days à Luxembourg
Le Festival Rainy Days se tient une nouvelle fois à la Philharmonie du Luxembourg. Mettant l’accent sur les musiques contemporaines, la version 2022 du Festival a pour devise “out of this world” (“hors de ce monde”). Les musiciens nous invitent pour un voyage imaginaire dans des sphères lointaines.
Si l’ouverture du festival aura lieu le 17 novembre avec la représentation de Subnormal Europe, nous avons pu en avoir un avant-goût avec la pré-ouverture prise en charge par Christian Schmitt à l’orgue et Christoph Sietzen à la percussion.
Si l’association des deux instruments peut surprendre, il n’a pas fallu longtemps pour que le public soit convaincu. Une première note dans les tréfonds de l’orgue fait vibrer les auditeurs, tandis que, quelques instants plus tard, un roulement au xylophone d’une vélocité et d’une douceur incomparable se glisse dans le son magistral de l’orgue comme s’ils ne faisaient qu’un. Nous voyons deux instrumentistes mais n’entendons qu’une seule voix. Composée en 1978 dans un contexte soviétique tendu, Detto I de Sofia Gubaidulina est une œuvre magistrale de 22 minutes cherchant à confronter deux contraires et à les faire se rencontrer. Christian Schmitt et Christoph Sietzen magnifient l'œuvre et leurs instruments respectifs. Le percussionniste luxembourgeois parvient à faire sortir des sons hors du commun d’instruments pourtant bien connus du grand public, tels que les timbales ou le xylophone.
Après cette pièce riche en découvertes, nous avons entendu deux œuvres pour solistes. Thirteen Drums de Maki Ishii et la Passacaglia BWV 582 de Johann Sebastian Bach. Deux pièces que tout oppose, si ce n’est la qualité de leur interprétation en ce mardi soir. Christophe Sietzen allie puissance, vélocité et précision. Bien que quelques clics de baguettes se glissent ci et là, le percussionniste impressionne par son apparente aisance. Ses mouvements fluides et ininterrompus sont tout aussi envoûtants que le son poignant que parvient à créer Christian Schmitt à l’orgue. L’interprétation est propre et ne laisse personne indifférent. La qualité de l’instrument y est pour autant que celle de l’instrumentiste. Celui-ci en est d’ailleurs bien conscient, et remercie autant les applaudissements fournis du public que l’orgue magistral qui se tient derrière lui.
Après la pause et un changement de plateau -obligatoire quand on utilise autant de percussions- nous avons pu entendre une commande de la Philharmonie, KölnMusik, Bamberger Symphoniker et Wiener Konzerthaus. Poséidon d’Andrea Tarrodi a été composé en 2021 pour le duo : une nouvelle combinaison d’instruments, celle de l’orgue, bien sûr, avec le vibraphone. L'homogénéité de ces deux instruments est étonnante et très agréable. Leurs sons se mélangent parfaitement et ont pour résultat un effet assez “liquide”, d’où le nom de l'œuvre.
Il est alors assez naturel de passer de celle-ci à The Source de Toshi Ichiyanagi pour marimba solo. Oeuvre incontournable du répertoire pour marimba, The source demande un grand contrôle de l’instrument, que ce soit au niveau des nuances, de la vélocité ou de la production sonore. Christophe Sietzen passe d’une extrême à l’autre sans jamais laisser paraître quoi que ce soit. Bluffant.
C’est ensuite Christian Schmitt qui prend le relais dans une interprétation tout en simplicité de Annum per annum du compositeur estonien Arvo Pärt. L'œuvre fut composée en 1980 à l’occasion des 900 ans de la Cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption-et-Saint-Étienne de Spire. Le public est conquis et attend la dernière pièce avec impatience.
C’est avec un arrangement de la Danse Macabre de Camille Saint-Saëns que se termine ce concert. Bien que l’interprétation soit encore une fois réussie, elle est malheureusement ternie par une balance peu avantageuse pour l’orgue et quelques problèmes de mise en place entre les deux musiciens. Cela n’empêchera pas le public d’applaudir avec vigueur cette représentation d’une très grande qualité.
Nous avons eu droit à un bis, un arrangement de la « Grande Porte de Kiev » issu des Tableaux d’une Exposition de Moussorgski. Un final grandiose qui a ravi le public duquel de très nombreux bravo ont fusé à la fin de l’interprétation.
Luxembourg, Philharmonie, le 15 novembre 2022
Alex Quitin
Crédits photographiques :Philharmonie Luxembourg / Alfonso Salgueiro