Hommage à Sir Roger Norrington

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Sir Roger Norrington s’en est allé à l’âge de 91 ans. Infatigable explorateur musical, pionnier des interprétations “historiquement informées”, il a marqué son temps et sera, pour de très nombreuses décennies, une figure inspirante.  

Né en 1934, il étudie, entre autres avec Adrian Boult. Violoniste de formation, il a également travaillé comme ténor. Il fonde en 1962, le Schütz Choir de Londres avec lequel il enregistre pour Decca. En 1978, il fonde les London Classical Players, orchestre avec lequel il a révolutionné l'approche des grandes œuvres classiques et romantiques. On retrouve des pointures dans cet orchestre dont le violon solo John Holloway, l’un des praticiens et experts du violon historique. En 1997, l’orchestre se dissout et  Sir Roger Norrington  vogue vers de nouveaux défis : la Camerata Salzburg, le Camerata Salzburg, le Radio-Sinfonieorchester Stuttgart, l’Orchestre de St Luke’s, le Zurich Chamber Orchestra, l’Orchestre de chambre de Paris. Consécration, le chef fut invité régulièrement par les Berliner Philharmoniker et les Wiener Philharmoniker.  Le maestro avait annoncé, en novembre 2021, prendre sa retraite. 

Sir Roger Norrington, s'inscrit parmi les pionniers pour aborder le répertoire classique sur instruments d’époque et selon une démarche historiquement informée, il fut l’un des tout premiers à élargir les explorations aux grandes oeuvres du répertoire du XIXe siècle, que ce soit Berlioz, Brahms, Schumann, Wagner, Bruckner ou Smetana…Aujourd’hui, une telle démarche est devenue la norme et on ne compte plus les expériences sur instruments d’époque y compris jusqu’aux symphonies de Mahler et Bruckner. Cependant, dans les années 1980/1990, une telle démarche était inusitée et provoqua de très nombreux sarcasmes moqueurs accompagnés d’un profond mépris. Comment un Britannique, aux airs de savant universitaire égaré, pouvait oser désacraliser des interprétations mythiques et des conceptions interprétatives enracinées ?  Les albums enregistrés par le chef et son orchestre, pour Virgin oui EMI, dans Brahms, Bruckner, Wagner ou Smetana, se faisaient régulièrement étriller dans le monde francophone.  Quand le festival Printemps de Prague, invita, en 1997, le chef et ses London Classical Players et Sir Roger Norrington à interpréter Ma Patrie de Smetana, ce fut vu par beaucoup de commentateurs comme une provocation. 

Au pupitre du Radio-Symphonieorchester Stuttgart,il ira encore plus loin, allant jusqu’à Mahler dans un optique sans vibrato. A Stuttgart, il insuffla à ce brillant orchestre de radio qui avait été celui de Celibidache, une approche vers un son pur tout en explorant à nouveau ses classiques : Haydn, Mozart, Beethoven mais allant aussi jusqu'à Mahler, Bruckner, Nielsen, Martinů.  

Sir Roger Norrington n'était pas le genre de chef tyrannique et autoritaire. Avec les musiciens, il travaillait comme dans un work-in-progress, acceptant des idées et des suggestions. Cela marchait très bien avec des orchestres comme ses London Classical Players ou la Camerata Salzburg, cela marchait parfois bien moins avec des orchestres institutionnels : on se souvient d”un Roméo et Juliette de Berlioz raide peu convaincant au Festival de Salzbourg 1997. Mais Sir Roger Norrington se concentrait toujours sur la partition, rien que la partition. Le maestro envisageait l’interprétation comme une expérience, certaines sessions de Haydn, Mozart ou Beethoven  faisaient de ces exercices des laboratoires : les instrumentistes étaient regroupés autour du chef comme une formation de chambre, favorisant le dialogue naturel entre les pupitres. 

On gardera aussi en mémoire, la personnalité de ce musicien toujours passionné mais avec cet humour et cette forme de décontracté typiquement britannique. 

Au final, beaucoup de ses enregistrements sont des références : son Don Giovanni de Mozart qui fut le premier à restituer les versions de Prague et de Vienne qui furent enregistrées en parallèle avec la totalité des récitatifs, ses symphonies de Haydn, Mozart, tout ses enregistrements Beethoven, ses Berlioz….Même pour certains enregistrements plus contestables comme Bruckner ou Mahler, le chef ouvre des pistes de réflexions et ses perspectives qui, d’ici quelques décennies seront considérées comme des classiques.

A écouter :

Roger Norrington. The Complete Erato Recordings. 1986-2004. Livret en : anglais, allemand et français. 0190296245275.

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