Editos

De la démonétisation à l'invisibilisation ?  

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Pour ce premier éditorial de l’année, nous allons revenir sur une nouvelle passée relativement inaperçue mais dont les conséquences sont interpellantes : la décision unilatérale de la plateforme suédoise Spotify, leader mondiale du marché du streaming de démonétiser les titres qui seront en dessous du seuil de 1000 écoutes par an,  cette décision prendra effet dès cette année 2024.

Avec l’effondrement du marché du disque physique et la quasi-disparition du téléchargement payant, le streaming est devenu la seule porte de visibilité pour les artistes et les labels. Cependant, les taux de rétribution sont misérables et intégrer des playlists thématiques, robinets à musiques et aspirateurs à écoutes, est devenu l’une des rares ambitions des professionnels du secteur au point d’en façonner leurs productions. Le média que nous sommes est bien évidemment confronté à l’inflation du nombre de produits spécialement pensés pour des playlists : des pièces courtes et un répertoire agréable aux oreilles, la parfaite tapisserie sonore, mais dont l'intérêt éditorial et artistique est trop souvent incertain... 

Dès lors, la musique classique comme les domaines que l’on peut désigner sous le terme de “non-commerciaux” -et cela englobe tant le jazz que les musiques du monde- ne montent pas au front avec un moral de gagnants. Un album de musique classique est normalement pensé dans sa globalité avec des œuvres en plusieurs mouvements, voire des répertoires rares ou plus difficiles, car moins naturellement flatteurs pour l’oreille ou incompatibles avec la notion d'écoute à la plage comme une symphonie de Bruckner, un opéra de Wagner ou une partition contemporaine de création. Dès lors, le seuil des 1000 écoutes par titre, n’est pas un objectif si facile à atteindre pour de la musique classique et même pour beaucoup d'artistes de tous les genres confondus. Ainsi, sur les 100 millions de titres présents sur la plateforme fin 2022, seuls 37,5 millions ont franchi le cap des 1000 écoutes depuis leur mise à disposition, selon les données communiquées par Spotify sur son site Loud&Clear (on peut donc constater que  seulement 1/3 des titres en ligne pourraient ainsi être rémunérateurs...). 

Les finalistes 2024 des ICMA

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Les membres du jury des International Classical Music Awards (ICMA) communiquent les finalistes de l'édition 2024.

La liste initiale, avec un total de 375 nominations, a été réduite à trois œuvres par catégorie. Les lauréats seront choisis parmi ces trois finalistes. Les noms des lauréats seront publiés le 8 janvier 2024.  La cérémonie et le concert de gala  se dérouleront au Palau de la Musica à Valence le 12 avril 2024.

La liste des finalistes est disponible en ligne.

Les Millésimes 2023 de Crescendo Magazine 

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Crescendo Magazine est heureux de vous présenter la sélection de ses Millésimes 2023. Un panorama en 12 albums et DVD qui vous propose le meilleur du meilleur des parutions. 

Entre novembre 2022 et novembre 2023, Crescendo Magazine a publié près de 540 critiques d’enregistrements audio, déclinés en formats physiques et numériques ou en DVD et Blu-Ray. Depuis un an, nous avons décerné une belle centaine de Jokers, qu’ils soient déclinés en “absolu”, “découverte” ou ‘patrimoine”. Les millésimes représentent donc le meilleur du meilleur pour la rédaction de Crescendo Magazine. 

Pour la troisième année consécutive, les Millésimes s’enrichissent d’un album de l’année, une parution qui incarne son temps par son niveau d’exigence et le renouveau qu’elle apporte sur la vision des partitions. Cette année, l’enregistrement de l’année est décerné à l’enregistrement Liszt (Études d’exécution transcendante S. 139 et Sonate pour piano en si mineur S. 178.) avec Francesco Piemontesi (Pentatone). Un album d’une grande cohérence éditoriale qui renouvelle complètement l’approche et la perception de ces chefs-d'oeuvre, piliers du répertoire pianistique, et qui salue l'évolution artistique formidable de cet ancien lauréat du Concours Reine Elisabeth (2007). Francesco Piemontesi construit au fil des parutions, une discographie majeure de notre époque. 

Le panorama 2023 témoigne de la richesse de la scène musicale à commencer par les parutions estampillées “made in Belgium” qui continuent de porter au plus haut le savoir-faire musical d’excellence de notre pays : le compositeur Adrien Tsilogiannis consacré par une monographie superbement interprétée par l’Ensemble Strum & Klang pour le label Cyprès et l’ensemble InAlto pour un magnifique album consacré aux rites de passage dans le répertoire baroque austro-allemand (Ricercar). 

Du côté des claviers, on pointe un exceptionnel album Debussy par le jeune pianiste Jean-Paul Gasparian (Naïve), un récital d’orgue consacré à Liszt par Anna-Victoria Baltrusch (Audite) et surtout ce superbe coffret Warner en hommage à notre cher Nicholas Angelich, tel une boîte aux trésors qui fascine à chaque audition. 

Crescendo Magazine a toujours été très attaché aux redécouvertes patrimoniales. Ainsi, saluons l’enregistrement de la Princesse de Trébizonde de Jacques Offenbach publiée par l'extraordinaire label Opera Rara et cet album DGG dédié à Franz Schreker sous la baguette de Christoph Eschenbach. Franz Schreker, un immense compositeur longtemps négligé, dont le revival est aussi fertile que qualitatif. 

Moment d’émotion, l’album consacré à des pages chorales de Kaija Saariaho (Bis) qui salue la force créatrice de cette immense artiste, l’une des oeuvres de notre temps les plus impactantes. Le répertoire médiéval est mis à l’honneur par l’Ensemble Per-Sonat de Sabine Lutzenberger qui nous propose un voyage sonore au fil de la réforme carolingienne (Christophorus). Quant à l‘ensemble Zefiro, il nous offre un feu d'artifice au travers des frontières entre Venise et Dresde (Arcana). 

Du côté de la vidéo, rendez-vous à Amsterdam pour une production de Tosca qui marquera son temps avec une scénographie de Barrie Kosky et sous la baguette de Lorenzo Viotti, étoile montante de la direction d’orchestre (Naxos). 

Découvrez dans notre brochure numérique, les  millésimes 2023 de Cresecendo Magazine :

ICMA 2024 : les nominations

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Le jury des International Classical Music Awards ICMA publie la liste des nominations pour l'édition 2024.

Les nominations de cette année comprennent de nombreux solistes, ensembles, chefs d'orchestre et orchestres de renom, ainsi qu'un grand nombre de jeunes musiciens, dont beaucoup sont nommés pour la première fois. Au total, 375 productions audio et vidéo de 115 labels différents ont été nominées. 

Pour être nommée, une production doit être proposée par au moins deux membres du jury. Avec 23 nominations, Naxos occupe la première place. Il est suivi par Pentatone (22), Harmonia Mundi (21) et Alpha (20). Les finalistes seront connus le 11 décembre. Les noms des lauréats seront révélés le 18 janvier 2023.

La cérémonie de remise des prix et le concert de gala se dérouleront au Palau de la Musica de Valence le 12 avril 2024, avec l'Orquesta de Valencia dirigé par son directeur artistique et musical Alexander Liebreich.

Le site des ICMA : www.icma-info.com

Le guide des festivals 2023 de Crescendo Magazine

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Suite au grand succès de l’édition 2022 de notre guide des Festivals, nous sommes heureux de vous proposer sa seconde édition.

Ce guide des festivals de Crescendo-Magazine vous propose 30 festivals à travers le monde. 30 festivals car c’est cette année les 30 ans de notre média. Comme les années se suivent, mais ne ressemblent pas, vous découvrirez un panorama largement remanié par rapport à l’édition précédente.  2023 est d’autant plus une année charnière car des festivals et non des moindres voient un passage de relais à l’image du Festival de Colmar désormais placé sous la direction artistique d’Alain Altinoglu.   

Dès lors, cette sélection est une manière de saluer 30 manifestations qui, à travers les pays, les ambitions et les propositions montrent le dynamisme de la scène musicale actuelle des musiques anciennes au répertoire contemporain avec des ouvertures vers les jeunes artistes. Comme l’an passé, cette sélection ne se veut en rien exhaustive, ni sélective car il existe des centaines de festivals, jeunes pousses ou manifestations légendaires qui ne cessent de s’activer dans un contexte difficile pour faire vivre la musique au-delà des limites de frontières géographiques. Ce guide des Festivals est simplement une fenêtre, une invitation à découvrir des évènements qui, à un degré ou un autre, innovent ou donnent un diapason d’excellence.

Le Jury des ICMA et la Westdeutsche Sinfonia entament une coopération

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La Westdeutsche Sinfonia, l’un des principaux orchestres du land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie en Allemagne, fondé en 1987 et dirigé par Dirk Joeres, et le jury des 'International Classical Music Awards (ICMA) ont convenu d'une collaboration dans le cadre de laquelle le Westdeutsche Sinfonia organisera chaque année un concert mettant en vedette l'un des jeunes artistes récompensés par les ICMA. Le premier concert aura lieu le 21 avril 2024, dans le cadre de la série KlassikSonntag à Leverkusen. Le soliste sera Julian Kainrath, lauréat du Discovery Award 2022.

Remy Franck, président de l'ICMA, déclare : "Reconnaissant qu'un prix internationalement convoité décerné par les International Classical Music Awards peut aider les jeunes artistes en particulier à amorcer leur carrière, nous avons maintenant trois prix destinés aux jeunes musiciens, le Discovery Award, le Young Artist Award et l'ICMA Classeek Award. Le fait que nous puissions maintenant, avec l'aide de l’orchestre Westdeutsche Sinfonia, aider l'un de ces lauréats à donner un concert chaque année me remplit d'une grande joie, et je remercie le chef d'orchestre Dirk Joeres pour sa confiance. "

Dirk Joeres déclare : " J'ai été très heureux de m’associer à l'idée de Rémy Franck d'inviter de jeunes artistes récompensés par un prix aux ICMA à se produire en solo avec le Westdeutsche Sinfonia. Je suis particulièrement heureux que ces jeunes artistes puissent ainsi se présenter dans le cadre de la série à succès "KlassikSonntag ! En effet, ce format de concert d'une journée entière vise d'une part à approfondir la compréhension de la musique grâce à une matinée d'introduction détaillée, mais donne également au soliste concerné l'occasion d'entrer en contact direct avec le public dans le cadre d'une conversation personnelle - un aspect qui devient de plus en plus important sur la scène de la musique

classique d'aujourd'hui. "

Veillée funèbre pour le marché du disque ? 

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Un récent  événement du business de la musique a fait l’effet d’un choc : le site de Norman Lebrecht a annoncé, sur base du registre des sociétés britanniques, que le label Hyperion Records a été vendu à Universal Music,  un rachat discret sans le tambour des communiqués de presse. 

Un peu d’histoire pour commencer. Fondé en 1980 par Ted Perry, Hyperion Records est l’un des labels indépendants les plus réputés. Profitant du développement du CD et de l’affirmation des labels indépendants (comme Chandos, Harmonia Mundi, Alpha, Naïve, Opus 111, Ricercar), Hyperion s’était imposé par des choix de répertoires originaux car sortant des sentiers battus, que ce soit dans l’univers de la musique médiévale avec le célèbre album A Feather on the Breath of God  consacré à des oeuvres de Hildegarde von Bingen ou l’incroyable série dédiée aux concertos pour pianos oubliés de l’époque romantique (85 volumes actuellement). La stupéfiante intégrale de l'œuvre pianistique de Liszt en 98 disques avec Leslie Howard, c’est également Hyperion. Multi-primé, ce label incarnait l’excellence du label indépendant parvenant contre vents et marées à garder le cap d’une exigence éditoriale loin des sirènes d’un marché basé sur le star system et le crossover. Ajoutez à ce rachat la récente prise de participation d’Universal Music au capital de PIAS, propriétaire d’Harmonia Mundi : le business model historique d’un label indépendant, soit vendre des disques pour en tirer des revenus et réinvestir les bénéfices, n’est plus possible dans l’état actuel du marché.     

  • Un marché atone et peu rétributeur 

L’évolution numérique du marché de l’enregistrement a été le clou de cercueil du modèle de nombre de labels classiques. La chute vertigineuse des ventes physiques n'a pas été compensée, en termes de revenus, par la consommation numérique. Cette dernière s’est rapidement portée vers le peu rémunérateur streaming, au détriment du téléchargement payant qui aurait pu compenser et compléter la baisse des ventes d’albums physiques. Les revenus issus du streaming sont très faibles et seule une masse de titres sur le marché peut permettre de générer quelques recettes à peine convenables… Les récents rachats et la concentration qui en découle, croisés à la mode des playlists, sont des tentatives de courir après le volume avec en ligne de mire les “réussites” de la pop music. Mais ne nous y trompons pas, le streaming reste globalement un marché de dupes car la quantité souvent impressionnante des écoutes à travers le monde ne génère que des revenus infra misérables en ratios. De plus, les sous-marchés de niche du classique que sont par exemple le médiéval ou la musique contemporaine savante (pas la soupe sirupeuse easy listening que l’on tente de nous présenter comme telle) sortent plutôt esseulés du streaming qui ne leur offre que peu de perspectives. Même les tentatives de réorganiser les rétributions par le “user centric” basé sur la consommation réelle de musique sur les plateformes, face au “data centric” qui favorise les types de musiques dominants (électro, rap….), ne semblent qu’un vœu pieux et éthique dont les conséquences seront sans doute mineures sur les chiffres d'affaires. 

Le contrebassiste Marc-André Teruel remporte le premier ICMA Classeek Award.

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Marc-André Teruel, contrebassiste franco-autrichien, est le premier lauréat du nouveau ICMA Classeek Award, créé en collaboration entre les International Classical Music Awards, l'ICMA, et la plateforme pour jeunes artistes Classeek. Il recevra son trophée lors de la cérémonie de remise des prix ICMA à Wroclaw, en Pologne, le 21 avril.

Le jeune contrebassiste a déjà remporté de nombreux prix  et il a déjà obtenu un grand succès international à la fois en tant qu'artiste solo et musicien de chambre passionné. Il donne régulièrement des concerts dans les salles de concert les plus renommées, comme le Wiener Konzerthaus, le Wiener Musikverein, le Salzburger Mozarteum, l'Auditorio Nacional de Música Madrid, le Grand Auditorium de Radio France Paris, pour n'en citer que quelques-unes.

Les autres nominés pour le Prix ICMA Classeek étaient une sélection d'artistes prometteurs issus de la candidature du programme Ambassadeur 2022-23, notamment les pianistes Callum McLachlan et Zhu Wang, la violoniste Julia Blachuta, le violoncelliste Ivan Skanavi et le clarinettiste Arthur Stockel.

 

En plus du nouveau Prix ICMA Classeek, Classeek soutiendra également le lauréat du Prix ICMA pour jeunes artistes, Sào Soulez Larivière, en lui offrant une place dans son programme Ambassadeur 2023-24 pour jeunes artistes.

Teresa Berganza, une Cenerentola dans les étoiles  

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« Nacqui all’affanno, al pianto, Soffri tacendo il core ; Ma per soave incanto Dell’età mia nel fiore, Come un baleno rapido La sorte mia cangiò » (Je nacquis dans la peine, les pleurs, Je les supportai en silence ; Mais par un doux enchantement dans la fleur de mon âge, mon destin changea avec la rapidité de l’éclair), affirme Angelina dans le rondò final de La Cenerentola de Rossini. Ô combien ces quelques vers semblent caractériser la carrière de Teresa Berganza qui en fut l’interprète d’élection durant vingt ans. A jamais son nom restera lié à ce belcanto romantique dont elle fut l’une des premières, voire la première à comprendre l’essence dans un registre bouffe où son timbre velouté de mezzosoprano préférait les tons pastels de l’aquarelliste en allégeant l’émission pour atteindre le contre-ut ou même le contre-ré. Elle prôna un esthétisme vocal qui n’interdisait pas l’interprétation mais en censurait les excès. Et l’on comprend l’enthousiasme d’un Karl Schumann qui déclarait qu’elle était une chanteuse pour les chanteurs et les connaisseurs.

Née à Madrid le 16 mars 1933 sous le nom de Teresa Vargas, elle chante dès sa plus tendre enfance un peu partout, dans la rue, à l’église, à l’école, à la maison où son père l’assoit au piano pour lui inculquer les rudiments du solfège, avant de la confier à Lola Rodriguez de Aragon qui a été élève d’Elisabeth Schumann et qui enseigne au Conservatoire de Madrid. Teresa reçoit de sa part une solide formation axée sur la sobriété de l’expression dans une répertoire où le lied a autant d’importance que l’air d’opéra. En 1954, elle remporte, à vingt-et-un ans, un premier prix de chant, accepte plusieurs engagements de la Columbia espagnole qui enregistre plusieurs zarzuelas et joue même dans des films bas de gamme. Deux ans plus tard, elle décroche une bourse d’études qui lui permet de se perfectionner au Mozarteum de Salzbourg et de prendre part au Concours d’Exécution Musicale de Genève. 

Décès du compositeur Philippe Boesmans 

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Le monde musical belge et international a appris avec tristesse le décès de Philippe Boesmans, compositeur majeur et figure majeure de la vie artistique de notre pays. 

Né le 17 mai 1936 à Tongres, en Belgique, Philippe Boesmans étudie le  piano au Conservatoire de Liège, avant de de tâter la composition en autodidacte. S’il s’intéresse un temps au sérialisme alors très en vogue dans le monde de l’avant-garde, en particulier en Belgique, il s’en éloigne rapidement conscient des limites de ce langage. Choix courageux tant la doxa sérialiste a ses gardiens du temple en Belgique. 

Philippe Boesmans est désigné en 1985 compositeur en résidence à La Monnaie, maison qui accompagnera sa carrière et qui lui sera d’une fidélité absolue, y compris au fil des changements de direction. La liste de ses oeuvres liées à l’opéra bruxellois est longue : La Passion de Gilles (1983), les Trakl-lieder (1987), orchestration de L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi (1989), Reigen (1993), Wintermärchen (1999), Julie (2005), Au Monde (2014). La France est également une terre d'accueil des opéras du musicien :  Yvonne, princesse de Bourgogne, commandée par Gérard Mortier, d’après la pièce est créée sur la scène de l’Opéra Garnier et Pinocchio est donné en première mondiale au  Festival d’Aix-en-Provence. Son opéra, On purge bébé est annoncé à Bruxelles et Lyon au cours de la saison 2022/2023.