Intégrale des Symphonies de Haydn par Giovanni Antonini : un réjouissant volume 14
Haydn 2032 no 14. L’Impériale. Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonies en ut majeur, ré majeur, sol majeur, Hob.I:33, 53, 54. Sinfonia en ré majeur Hob.IA:7. Giovanni Antonini, Kammerorchester Basel. Mars, juin, octobre 2021. Livret en français, anglais, allemand. TT 77’02. Alpha 694
Suite d’une intégrale symphonique censée culminer en 2032 pour le tricentenaire de la naissance du compositeur, et l’une des étapes les plus enthousiasmantes de ce remarquable projet ! Si vous en avez manqué le début, les dix premiers volumes ont été avantageusement regroupés en coffret (Alpha 774, chaque disque glissé dans un étui cartonné) doté d’un livret hélas synthétique. Dommage car les copieuses notices sont un des points forts de chaque parution, accompagnée d’intéressantes mises en perspective, et illustrée par un portfolio de grands photographes de l’agence Magnum. En l’occurrence, Peter Marlow (1952-2016) dont les clichés plantent le chic et aristocratique décor de ce quatorzième jalon, titré « L’Impériale », à l’instar du surnom postérieurement accolé à la symphonie no 53.
Le programme inclut aussi sa proche voisine, égrenant un des plus longs Adagio de Haydn (près de onze minutes), et tout aussi réjouissante dans les deux mouvements vifs, chacun noté Presto (le second n’oublie aucune reprise). Un texte de Giovanni Antonini revient sur l’anatomie du finale de la no 53, à l’appellation presque antinomique, capriccio et moderato, et il en détaille les facéties, jusque cette irruption prématurée des timbales. Une analyse du musicologue Christian Moritz-Bauer complète la valorisation éditoriale, s’attachant au contexte et au langage des deux symphonies médianes, mais négligeant quelque peu d’évoquer la cadette en ut majeur, au demeurant émoustillée avec trompettes et timbales, comme la no 54, mais sans flûte. Déluré, imprévisible et opiniâtre, le Vivace introductif vaut le détour, et précède un Andante développé et lancinant. Et quelle malice agace ce Menuet aux appuis contrariés, puis ce finale aussi bref qu’explosif, tracé à la pointe sèche par le maestro ! Pour couronner ce généreux et festif menu, le disque propose une version alternative et antérieure du finale de la no 53, que le catalogue Hoboken recense aussi comme Ouverture. Une conclusion étourdissante et scintillante qui parachève un disque très stimulant.
D’autant que l’interprétation brille d’une intense vitalité, celle des tempos, des contrastes dynamiques, des couleurs, -patinées par des instruments qui pour la plupart sont d’époque, ou copie d’ancien. La pâte du Kammerorchester de Bâle ménage des saveurs brutes qui ne sont pas sans rappeler la chaudronnée bourrue d’Antal Dorati (Decca, une des rares baguettes à avoir accompli une intégrale) : des aspérités qui doivent davantage à l’abrupte école d’un Nikolaus Harnoncourt qu’à la manière anglaise, plus lisse et aseptisée, d’un Christopher Hogwood (L’Oiseau-Lyre). On saluera les bassons si aromatiques de Carles Cristobal Ferran et Adria Sanchez Calonge. L’ampleur et le relief de la captation préservent le grain des cordes, plantureusement exposées malgré un effectif qui n’a rien de pléthorique (une quinzaine d’archets).
Sans bousculer le discours, Giovanni Antonini n’est pourtant pas de ceux qui laissent s’épanouir les proportions classiques des œuvres. Ne manquerait-il çà et là qu’une éloquence un brin plus déliée, des emports moins tonitruants ? L’apparat en serait terni, la fête en serait moins entêtante, et de toute façon la recette convient parfaitement pour aviver ces trois opus. Aucune emphase dans le faste impérial revendiqué par ce CD mais, légitimement, du spectacle de haute autorité !
Son : 8,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 10
Christophe Steyne