Intégrale du Songbook de 1611 : le radieux chant du cygne de Byrd

par

William Byrd (c1540-1623) : Psalmes, Songs and Sonnets. The Eagle's force ; Of Flattering Speech ; In Winter Cold ; Whereat an Ant ; Who Looks may Leap ; Sing ye to our God ; I have been young, but now am old ; In crystal towers ; The sweet and merry month of May ; Let Not The Sluggish Sleep ; A feigned friend ; Awake mine eyes ; Come jolly swains ; What is life, or worldly pleasure? ; Fantasia a 4 ; Come Let Us Rejoice ; Retire, my soul ; Arise Lord into thy rest ; Come, woeful Orpheus ; Sing we merrily unto God our strength ; Blow up the trumpet ; Crowned with flow'rs and lilies ; Wedded to will is witless ; Make ye joy to God all the earth ; Have mercy upon me, O God ; Fantasia a 6 ; This Day Christ was Born ; O God that guides the cheerful sun ; Praise our Lord, all ye Gentiles ; Turn our captivity ; Ah silly Soul ; How vain the toils. The Sixteen, dir Harry Christophers. Fretwork. Emily Ashton, Richard Boothby, Jacob Garside, Reiko Ichise, Joanna Levine, Asako Morikawa, viole. Livret en anglais (avec paroles des chants). Juin 2021. TT 46’52 + 42’43. Coro COR 16193.

Byrd avait environ 70 ans quand fut imprimé son ultime Songbook, qui rassemble essentiellement des œuvres tardives. Dégagé des obligations financières, au sommet de sa gloire, le compositeur témoigne de son « inclination naturelle, son amour pour l’art de la musique ». En trente-deux étapes, toutes détaillées dans le copieux livret signé de Kerry McCarthy, les chansons s’organisent par nombre croissant de voix, de trois à six. Les premières n’en sont pas moins densément ouvragées, en resserrant le canevas polyphonique. Parmi elles, Whereat an Ant, fable de la fourmi et de la sauterelle d’après l’antique Ésope, qui justifie l’illustration de la couverture (Grasshoper de Tamas Galambos, huile sur toile, 2009).

Des chants profanes, mais aussi sacrés : des psaumes qui trouvent leur origine dans la piété domestique des recusants, en marge du dogme anglican. Les quelques motets (Arise Lord into thy rest, Praise our Lord, Turn our captivity), contrairement à ceux antérieurement écrits en latin par Byrd, parlent ici la langue de Shakespeare mais n’en répondent pas moins à la version catholique, importée sous le manteau par le polémiste Richard Verstegan (c1550-1640) avant sa fuite pour Anvers.

Parmi les songs les mieux connus, celui qui ouvre la série à quatre voix : The sweet and merry month of May, hommage à la Reine Elizabeth, provient d’un recueil antérieur et passait alors pour prémices de madrigal dans le royaume d’Outre-Manche, à la manière italienne certes. La série à cinq voix débute par l’émouvant Retire, my soul, vision testamentaire sur l’existence, puis inclut aussi le Come woeful Orpheus (tout en chromatisme) et l’exubérant Sing we merrily unto God

Have mercy upon me, O God témoigne du genre du consort song, touchant écheveau pour solistes, petit chœur et violes. La présence de tels instruments dans la Fantasia et deux autres « Carrolls » associés à Noël et au Nouvel an (This Day Christ was Born et O God that guides the cheerful sun) s’explique par les circonstances biographiques : installé en Essex, Byrd était invité à fêter ces réjouissances dans la voisine demeure de Sir John Petre, qui embauchait une équipe de violistes pour les « Christmas Days ». Le panel à six voix s’achève dans une veine dévotionnelle et nostalgique, qui jette un regard ému et désabusé sur la vie qui s’en va. Un crépuscule qui répond à la philosophie de Sénèque, citée dans la préface du recueil : « la lumière du soleil est plus douce au moment précis de son coucher ».

Eu égard à la qualité d’inspiration d’un tel corpus, ce recueil d’une heure et demie reste étrangement peu visité par la discographie, hormis quelques songs puisés dans des anthologies. On sait gré aux Sixteen d’Harry Christophers, rejoints par les archets de Fretwork, de nous en livrer un complet aperçu, abordé avec toute la finesse requise. Une interprétation fluide et subtilement colorée, même si la variété des ambiances (un tableau où règnent pourtant « melancholy, merry, or mix of both » selon le compositeur) aurait mérité un autre relief expressif que cette tendance au camaïeu. D’autant que la prise de son s’avère assez plate et ne secourt pas la caractérisation. On n’en thésaurisera pas moins cette valorisation très documentée de l’attachante fresque imaginée par le vieux Byrd, arrachée aux derniers feux de la Renaissance de l’ère jacobéenne. 

Son : 8 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

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