Jean-Marie Marchal, à propos du Grand Manège de Namur 

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L’inauguration du Grand manège de Namur est un événement considérable pour la Belgique francophone. Avec cette salle conçue et envisagée pour la musique classique, Namur va renforcer sa place comme l'un des centres européens majeurs de la musique. A cette occasion, Crescendo-Magazine rencontre Jean-Marie Marchal, directeur du CAV&MA, qui est en charge de la programmation de cette salle de concert.  

Le Grand Manège ouvre ses portes ! Pour la Belgique, et surtout pour la Wallonie, c'est un événement majeur car c’est la première salle de concert, exclusivement dédiée à la musique classique, depuis l’inauguration de la Salle philharmonique de Liège ! Quel est votre état d’esprit à quelques heures de cette inauguration ?   

Sans surprise, c’est incontestablement un sentiment d’immense satisfaction qui domine. Cela fait plus de vingt ans que ce projet existe quelque part dans les cartons et le voir se concrétiser suscite une grande joie à titre personnel mais aussi pour toute notre équipe, pour l’ensemble des musiciens qui sont associés à nos projets et bien entendu pour le public, qui se voit offrir un écrin musical exceptionnel. Ouvrir une telle salle de concert en Belgique francophone, qui plus est dans le contexte très particulier que nous vivons tous depuis un an et demi, relève vraiment du miracle, et je ne peux que remercier vivement la Ville de Namur d’y avoir cru de bout en bout. Nous sommes fiers également de l’originalité du projet, qui associe en un lieu unique une structure d’enseignement, le Conservatoire Balthasar-Florence, et un producteur professionnel, le CAV&MA, avec tout le potentiel que cela suppose en termes de rencontres et de pédagogie. Enfin, et c’est bien entendu essentiel, tous les musiciens qui ont eu l’occasion à ce jour de tester la salle sont unanimes pour souligner sa grande qualité acoustique. Ce sera un magnifique lieu de création, de partage et de diffusion.

Avec cette salle, Namur va encore plus renforcer sa position de ville majeure pour la musique classique. Quelle est votre ambition pour cette salle de concert ? 

Notre ambition est immense. Il s’agit clairement d’installer Namur sur la carte européenne des amateurs de musique classique. Nous pensons sincèrement être capables de remplir cet objectif dans les cinq à dix ans à venir. Nous allons procéder par étapes, car au moment où je vous parle la salle et ses annexes ne sont pas encore entièrement équipées, et l’équipe technique est encore en phase d’apprentissage. On ne maîtrise pas du jour au lendemain un tel paquebot. En conséquence, la saison 21-22 se concentrera d’abord sur une phase d’équipement et de tests avant d’accueillir au printemps 2022 les premiers événements significatifs. La première saison complète sera au programme en 22-23.

Namur, c’est bien évidement le Cav&Ma, dont le Chœur de Chambre de Namur est le porte-drapeau d’excellence. Comment vont se passer les collaborations entre le Grand Manège et le  Cav&Ma ? 

Cette collaboration sera très étroite puisque c’est le CAV&MA qui a été désigné gestionnaire de la salle. Celle-ci sera donc désormais notre lieu privilégié de création, d’enregistrement, de diffusion. Pour le public belge c’est, mine de rien, une véritable révolution. En effet, si on ne parle que des productions propres au CAV&MA, et si on met à part le Festival Musical de Namur qui nous accueille chaque année en juillet, le constat est simple : nous sommes programmés en moyenne une fois par an à Bruxelles, de temps à autre au sein du Festival de Wallonie et quasiment jamais à Liège, Charleroi ou Mons. Nul n’est prophète en son pays, comme dit l’adage bien connu. Dans notre cas, la démonstration est spectaculaire car nombre de productions qui sont à l’affiche depuis des années dans les grandes salles européennes ne sont pas accessibles au public local. Les choses changent enfin. Ce que le public de Paris, Lyon, Genève, Vienne ou Amsterdam peut goûter chaque année le sera aussi à Namur. C’est un changement de perspective radical, qui nous comble de joie.

 Comment va se déployer la programmation ? 

Nous avons eu l’espoir de disposer d’emblée des moyens financiers susceptibles de nous permettre de programmer de grandes affiches européennes en dehors du cadre des productions du CAV&MA. 

Nous n’avons pas obtenu tous les moyens nécessaires pour l’instant de la part de la Fédération Wallonie-Bruxelles, donc nous devons réduire (momentanément, je l’espère) ce côté prestigieux qui devait passer par des collaborations directes avec diverses salles de référence à travers l’Europe. Nous négocierons dans les prochaines années les moyens nécessaires pour programmer des concerts de ce type, qui font tant plaisir aux mélomanes et constituent autant de rencontres marquantes et de révélations pour les étudiants musiciens.

Pour les premières années, nous programmerons donc en premier les productions et coproductions du CAV&MA, qui vont de la musique de la Renaissance à l’opérette. Cela représente chaque saison 8 à 12 dates dans des répertoires variés. Il y a quelques années, nous avons créé un réseau au nom amusant (Na ! ») qui regroupe les organisateurs de concerts classiques à Namur. Ils seront les bienvenus pour compléter l’affiche, bien entendu. L’un d’entre eux, la Société philharmonique de Namur, a déjà programmé plusieurs concerts chez nous dès cette saison de lancement. Il y aura également à l’avenir des collaborations avec le Delta ou le Théâtre de Namur autour d’événements particuliers consacrés à des répertoires autres que classique car si notre salle est dédiée au répertoire classique en priorité elle peut absolument accueillir la chanson française, le jazz, les musiques du monde et même le blues ou le rock, notamment grâce à une acoustique réglable. Le premier de ces événements musicaux co-organisés sera un festival de musiques africaines. Dès 22-23 il y aura également chaque année au moins un artiste ou un ensemble en résidence, qui pourra répéter et enregistrer chez nous, qui sera programmé en concert et à qui nous demanderons de concevoir des opérations diverses en matière de pédagogie et de médiation. Des échanges sont également possibles avec d’autres acteurs importants de la vie musicale belge. Ainsi par exemple, dès 2022 nous aurons une collaboration avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège dans le cadre de l’année anniversaire de César Franck et un projet réunissant le Chœur de Chambre de Namur et Musiques Nouvelles, sous la direction de Leonardo García Alarcón, autour d’un programme dédié à Pierre Bartholomée qui comprendra une création. Enfin, la salle sera également disponible à la location pour des producteurs privés. Au total, il y aura matière à proposer un programme alléchant, je le crois sincèrement !

La Belgique est un pays au centre des axes de communications européens. Comment le Grand Manège va-t-il s’intégrer dans le réseau européen de la musique classique ? 

Dans notre cœur de cible, qui est la musique ancienne, je peux dire qu’il l’est déjà car il bénéficie d’emblée du réseau créé depuis plus de vingt ans autour des ensembles gérés par le CAV&MA, le Chœur de Chambre de Namur en tête. Je travaille à élargir ce réseau dans les prochaines années avec des salles qui programment également les répertoires romantiques et contemporains. Au bout de quasiment trente ans de métier, mon carnet d’adresses est suffisamment rempli que pour considérer que ce pari est à notre portée.

Actuellement, une partie des auditeurs des salles de concerts et opéras de la Belgique se rendent en France. Souhaitez-vous mettre en place une dynamique inverse avec des auditeurs du Nord de la France qui viendraient suivre la saison namuroise ? 

Absolument ! Je pense que notre affiche sera suffisamment attrayante pour attirer du public venu de loin. Nous l’avons déjà constaté à plus petite échelle dans le cadre du Festival Musical de Namur, en juillet, qui attire ponctuellement des mélomanes venus d’Anvers, de Lille ou d’Aix-la-Chapelle. Nous allons creuser ce sillon avec énergie ! Je pense solliciter également dans les mois et années à venir les autres acteurs culturels et touristiques locaux pour imaginer des opérations conjointes susceptibles de mettre en valeur un patrimoine namurois bien plus riche qu’on le croit généralement. Nous devons contribuer à offrir à notre capitale régionale une réelle plus-value culturelle.

Le site du Grand Manège : www.grandmanege.be

Crédits photographiques : Gabriel Balaguera & Lino Bennardo

 

 

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