Charles Ives, 70 ans
Le compositeur américain Charles Edward Ives est né le 20 octobre 1874 et mort le 19 mai 1954.
Après avoir appris la composition à l'Université Yale, il abandonne le métier de compositeur au début du XXe siècle pour se lancer dans les assurances et fonder une compagnie qui devient prospère. Il continue cependant à composer de la musique sans la faire publier ni jouer. À partir des années 1920, des ennuis de santé l'obligent à arrêter ses activités professionnelles et artistiques. À la même époque, il est découvert par l'avant-garde musicale de New York qui commence à faire jouer sa musique. La création dans les années 1930 de la Concord Sonata et, en 1947, de sa 3e Symphonie qui obtient le prix Pulitzer de musique, révèlent Ives à la critique et au public américain. Certaines œuvres d'envergure comme sa 4e Symphonie ne sont pourtant jouées que bien après sa mort. La musique de Charles Ives est originale, à la fois par l'utilisation de techniques musicales avant-gardistes et par les emprunts à la musique populaire.
Charles Ives est né à Danbury, dans l'État du Connecticut. Son père, George Ives, était chef de la musique de l'artillerie de l'union dans l'armée des États-Unis durant la guerre de Sécession. L'une des choses ayant pu l'avoir influencé fut d'avoir écouté sur la place de Danbury la fanfare de son père simultanément avec d'autres fanfares jouant sur d'autres côtés de la place. Son père lui donna quelques cours de théorie musicale avec une grande ouverture d'esprit, encourageant son fils à expérimenter des harmonisations bitonales voire polytonales. Il s'entraîna ainsi à chanter des mélodies dans une tonalité tandis que son père l'accompagnait dans une autre tonalité. Il lui fit également découvrir la musique de Stephen Foster, à savoir des chansons populaires américaines. Ives devint organiste à l'âge de 14 ans, et écrivit différents hymnes religieux et chants pour sa paroisse, y compris ses Variations on America.
Ives partit pour New Haven en 1893, et fut diplômé à l'Hopkins School. Puis en septembre 1894, il étudia à l'Université Yale les cours d'Horatio Parker. Il y composa plusieurs pièces dans le style choral d'une manière similaire à son mentor, écrivant des musiques d'église et même une musique de campagne électorale pour William McKinley. Pendant cette période, plusieurs de ses pièces sont publiées dont notamment une marche, Intercollegiate, qui sera jouée lors de l'inauguration de la présidence de McKinley.
Le père de Charles mourut le 4 novembre 1894, et ce fut un choc pour le jeune compositeur qui l'avait idéalisé. Il continua par conséquent à mener les expérimentations musicales débutées avec lui, qu'il poussa assez loin. Ives termina ses études à Yale dans des domaines très différents, comprenant le grec, le latin, les mathématiques et la littérature. Il fut membre des sociétés secrètes Delta Kappa Epsilon et Wolf's Head, ainsi que président de l'Ivy League. Ses œuvres Calcium Light Night et Yale-Princeton Football Game démontrent l'influence de l'Université sur ses compositions. Il écrivit sa Symphonie no 1 en guise de thèse de fin d'études sous le tutorat de Parker.
En 1898, après l'obtention de son diplôme à Yale, il accepta un travail à 5 $ par semaine de préposé dans une compagnie d'assurance de New York (Mutual Life Insurance Company), et déménagea dans une chambre d'appartement à New York qu'il partagea avec d'autres jeunes hommes. Il continuera d'être organiste à l'église jusqu'en 1906. En 1899, il changea pour l'agence Charles H. Raymond & Co., où il resta jusqu'en 1906. En 1907, à la suite des échecs de Raymond & Co., lui et son ami Julian W. Myrick créèrent leur propre compagnie d'assurance Ives & Co., qui devint plus tard Ives & Myrick, dans laquelle il demeura jusqu'à sa retraite. Il composait pendant ses temps libres et travailla, jusqu'à son mariage, comme organiste à Danbury, New Haven, Bloomfield (New Jersey) et New York. En 1907, Ives subit sa première attaque cardiaque qui fut suivie de plusieurs autres. Ces attaques ont probablement eu une origine plutôt psychologique que physique. Certains l'attribuent à sa carrière duale. Mais après sa guérison, Ives connut sa période la plus créative en tant que compositeur.
Il épousa Harmony Twitchell en 1908, puis ils s'installèrent dans leur appartement à New York. Il eut une remarquable carrière dans les assurances, tout en continuant à être un compositeur prolifique jusqu'à une rechute de ses attaques cardiaques en 1918. Après cela, il composa très peu : ce furent ses dernières œuvres. Parmi celles-ci, on trouve la chanson Sunrise en août 1926. En 1922, Ives publia ses 114 Songs qui représentent l'ampleur de son travail de compositeur. Celles-ci incluent des thèmes qu'il écrivit adolescent, et d'autres très dissonants comme The Masses (Majority).
Son épouse raconte qu'un matin en 1927, il arriva en larmes disant qu'il ne pouvait plus rien composer : « nothing sounds right » (rien ne sonne bien). De nombreuses thèses furent élaborées pour expliquer son silence durant ses dernières années, qui semblèrent aussi mystérieuses que celles de la vie de Jean Sibelius, lui-même ayant arrêté brutalement de composer à peu près à la même période. Ives ayant de plus en plus d'ennuis de santé, il continua cependant à réviser et retravailler ses premières œuvres. En 1930, il prit sa retraite du milieu des assurances, ce qui lui donna plus de temps pour se consacrer à la musique, mais il resta incapable d'écrire de nouvelles compositions. Dans les années 1940, il révisa sa Concord Sonata, qu'il publia accompagnée des Essais avant une sonate parus à compte d'auteur en 1920.
Charles Ives mourut en 1954, à New York, à l'âge de 79 ans. Son épouse est décédée en 1969 à 92 ans.
La plupart de ses œuvres durent attendre plusieurs années avant d'être interprétées. Les difficultés d'interprétation dues à la complexité rythmique de ses pièces pour orchestre en firent des défis difficiles à relever.Henry Cowell, Nicolas Slonimsky et Elliott Carter furent parmi les premiers défenseurs de sa musique. Invité par Cowell à participer dans son magazine périodique consacré aux musiques modernes New Music, un bon nombre de ses partitions y furent publiées.
Dans les années 1940, il rencontra Lou Harrison, un fan de sa musique qui en fit la promotion. Harrison dirigea la première de la Symphonie no 3 (1904) en 1946. L'année suivante, cette pièce remporta le Prix Pulitzer de la musique. Ives donna l'argent de ce prix (la moitié allant à Harrison), disant « les prix sont pour les jeunes garçons, et j'ai eu le temps de grandir ».
Bernard Herrmann, qui travailla comme chef d'orchestre à la CBS et, en 1940, devint même le directeur de l'Orchestre Symphonique CBS, fut aussi un champion de la musique de Charles Ives.
Leopold Stokowski dirigea la Symphonie no 4 en 1965, considérant l'œuvre comme « le cœur du problème de Ives ».
Ives fut considéré comme l'un des « American Originals » : un compositeur qui travaille dans un style unique et américain, avec des mélodies populaires américaines utilisées dans sa musique, et un sens étendu des possibilités de la musique. Il aurait reçu des louanges d'Arnold Schönberg (qui considérait Ives comme un monument d'intégrité artistique) mais également de la New York School de William Schuman. Michael Tilson Thomas est un champion enthousiaste des symphonies de Ives, tout comme le musicologue Jan Swafpourd. Des œuvres de Ives sont régulièrement programmées en Europe. Cependant, Ives n'est pas sans être critiqué : beaucoup trouvent sa musique grandiloquente, pompeuse, tandis que d'autres la trouvent bizarrement timide du fait que l'on rencontre souvent des aspects de la musique traditionnelle européenne dans ses compositions. Elliott Carter, qui fut son partisan, déclara que son œuvre était incomplète.
Charles Ives influença des compositeurs aussi variés que John Cage, Frank Zappa ou John Zorn.