La Noche de San Juan de Roberto Gerhard 

par

Roberto Gerhard (1896-1970) : La Noche de San Juan (Soirées de Barcelone). Miguel Baselga, piano. 2021. Livret en anglais et espagnol. 47’35””. MARCH VIVO. MV 003. 

En 2020, le monde musical devait célébrer les 50 ans de la disparition du compositeur catalan Roberto Gerhard et une belle série de concerts était prévue à Barcelone. Cependant les événements pandémiques ont impacté ces célébrations qui auraient pu donner un coup de projecteur sur ce moderniste trop oublié qui fut le seul élève espagnol d’Arnold Schoenberg dont il adopta les préceptes. Les mélomanes exigeants se souviennent de l’excellente série de disques que lui consacra le label Auvidis au début des années 1990, parutions qui offraient l'opportunité de se familiariser avec l'œuvre d’un musicien engagé dans son temps tant au niveau musical que politique : l’artiste  était proche des Républicains espagnols.  

Dans ce contexte, il faut saluer cet enregistrement de La Noche de San Juan (Soirées de Barcelone). Ce ballet est le fruit d’un projet qui devait magnifier dans une chorégraphie l’Espagne et sa culture dans une scénographie de Joan Junyer et une intrigue de Ventura Gassol. Ce ballet composé en 1938 est resté inédit du fait des vicissitudes de la guerre civile et de ces temps troublés alors que le compositeur émigrait à Londres. L’excellent Miguel Baselga nous propose la version piano solo de ce ballet enregistrée en première mondiale. 

Cette œuvre est intéressante car elle est assez éloignée de la recherche d’une voix personnelle dans le modernisme qui caractérise Roberto Gerhard. On est ici au coeur d’un  art qui cherche à unifier et styliser des musiques et des rythmes populaires des traditions ibériques dans un thème naturaliste et pittoresque : le sujet du ballet est inspiré de la nuit mythique de la fête de San Juan et des célébrations du feu des Pyrénées catalanes. La musique reprend des airs et des rythmes traditionnels mixés dans une explosion de couleurs : on est entre Stravinsky, Bartók et de Falla mais sans jamais les copier. 

Plus de quatre-vingts ans après sa création, la Fundación Juan March de Madrid, en coproduction avec le Gran Teatre del Liceu a repris ce ballet. L'une des esquisses originales de la scénographie de Joan Junyer a été sauvée et une nouvelle chorégraphie d'Antonio Ruz a remplacé celle, originale, de Léonide Massine, dont aucune note n'a été conservée. 

Très bien enregistrée, cette oeuvre est magnifiée par le sens des couleurs et du rythme de Miguel Baselga auquel on doit une passionnante intégrale de la musique pour piano  d'Albéniz. C'est une passionnante découverte pour notre connaissance du compositeur. 

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

 

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