Le Banquet Céleste revient aux cantates de Bach

par

Trinitatis. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : cantates Jesu, der du meine Seele BWV 78, O Ewigkeit, du Donnerwort BWV 60, Wer sich selbt erhöhet, der soll erniedriget werden BWV 47. Sonate en trio no 2 en ut mineur BWV 526. Prélude en ut mineur BWV 546. Céline Scheen, soprano. Damien Guillon, contre-ténor. Thomas Hobbs, ténor. Benoît Arnould, basse. Le Banquet céleste. Maude Gratton, orgue. 2023. Livret en français, anglais, allemand ; paroles en allemand et traduction bilingue. TT 73’47. Alpha 945.

Après un album consacré aux BWV 82 & 169, confiées à la voix de son meneur, le Banquet Céleste revient à Bach par ce disque dont on avoue ne pas bien avoir saisi le sens extrapolateur du titre. Trinitatis, alors que les trois cantates sont destinées aux 14e, 17e et 24e dimanches après la Trinité, donc situées dans la seconde période du tempus per annum, entre la Pentecôte et jusqu'à la fin de l'année liturgique, précédant le premier dimanche de l'Avent. Elles furent conçues pour les trois premiers cycles de Leipzig, entre 1724 et 1726. Pour ces œuvres qui ne sont pas les moins méconnues et aimées du corpus, l’équipe déploie sa science des éclairages chaleureux et révélateurs, et son panier de saveurs frais tombées de l’arbre. Fort généreuses à l’écoute –le haut volume de gravure invitera à modérer son amplificateur.

Sertie par un orchestre en petit comité (cordes à un par partie), subtilement texturé, tant les anches que la douce flûte de Jean Bregnac, l’approche s’entend fluide, énergique et dynamique. Et particulièrement grisante dans le sautillant duo Wir eilen mit schwachen, où Céline Scheen et Damien Guillon rivalisent de souplesse et de volubile séduction. Pour l’aria Wer ein Wahrer Christ will heissen, festonnée par des tuyaux melliflus, on appréciera encore les couleurs de la soprano, zestées d’ardeur quand s’active la partition, largement déployées quoique d’une projection un peu trop évasive pour que le mot soit toujours compris. On saluera l’intensité des récitatifs, et leur contraste, ainsi la voix d’alto poignante en dialogue avec Benoît Arnould d’un sobre aplomb, sans lourdeur, rassurant, dans Der Tod doch der menschlichen Natur verhasst. La basse interroge l’éloquence pour son air Jesu, beuge doch mein Herze, dont l’élocution flexueuse ne récuse pas les impédiments du cœur en tourment. Le timbre limpide de Thomas Hobbs assure aux airs et récitatifs leur juste tension.

Les pages chorales sont endossées par le mince ensemble de quatre solistes, garant de l’intelligibilité textuelle, et qui contribue aussi à la précision et au relief des interventions, ainsi le Es ist genug qui clôt le O Ewigkeit, du Donnerwort, mais aussi à leur élan, ainsi l’exergue fugué de Wer sich selbt erhöhet, der soll erniedriget warden. Le programme vocal est complété par deux pièces d’orgue, où Maude Gratton quitte son rôle de continuiste pour prendre le parole sur l’instrument Thomas du Temple du Bouclier de Strasbourg, là où Jean-Luc Thellin nous avait épatés dans le volume 4 de son intégrale en instance. Piquant intermède avec une lecture vive, spontanée et haut perchée de la seconde Sonate en trio, aux acescentes registrations (un peu creuses toutefois) dans le Vivace. Le poids tragique du Prélude en ut mineur se voit atténué par une exécution zélée, presque écorchée, qui manquerait un peu de gravitas et de coffre, mais qui quant au style, dans son jus, s’insère pertinemment dans cette interprétation fruitée et volontariste des trois cantates. Pour le mélomane qui en souhaite une exploration en effectif congru et non moins expressif : dans le giron da camera, cette proposition intercède.

Son : 8 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.