En guise d’introduction…
Ce qui frappe d’emblée la conscience à l’évocation de la vie de Paul Verlaine, c’est le sentiment assez prégnant que cette existence fut vécue sous le signe d’une espèce d’écartèlement permanent, d’une impossibilité chronique à s’arrêter quelque part, pour vivre sereinement.
Pris dans un perpétuel entre-deux, hors des frontières reconnaissables d’un ordre et d’une loi, Verlaine dira lui-même être gouverné par Saturne, la « mauvaise planète ». Marié à Mathilde Mauté et amant d’Arthur Rimbaud, partagé entre ville et campagne, entre ivresse et sagesse, apostat assumé puis croyant revendiqué, mêlant le blasphème au repentir, le poète apparaît encore aujourd’hui comme une figure trouble et encline au vertige existentiel.
Mais sans doute est-ce cela qui le rend si intéressant ?
Car, malgré ce manque d’ancrage, malgré cette absence de cadre fixe et délimité, Verlaine livre une œuvre riche en de nombreux points, saisissante et, à sa manière, s’érigeant en véritable miroir d’une âme en fuite constante.
Encore marquée du sceau du romantisme (c’est à Victor Hugo que le jeune Verlaine adresse son premier poème, écrit en 1858 : La Mort !), lorgnant volontairement du côté du mouvement symboliste (la filiation baudelairienne n’est pas à expliquer tant elle est visible souvent), mâtinée ça et là de réalisme cru, parnassienne et élue telle par les partenaires en poésie (Coppée, Gautier, de Banville, …), l’écriture de Verlaine rend compte d’un talent immense, multiple et reconnaissable malgré tout.
De nombreux musiciens ne s’y sont pas trompés, qui ont alors vu quelle pouvait être la portée de ces vers éminemment suggestifs. Et, de Fauré à Debussy, de Bordes à Poldowski et Boulanger, hommes et femmes, tous ont compris comment la musique, leur musique, pouvait elle aussi traduire le pur et l’impur, le rêve et l’action, la retenue et l’abandon…
Vincent Dujardin
Lundi 10 décembre à 20:00 en la Salle de Concert de l’IMEP
Tarif : 15€ - 10€ (60+) - Gratuit (→ 26 ans)
Pas de réservation.
Mais avant cela, vous êtes déjà conviés ce week end (*) au Concert symphonique proposé l'Orchestre symphonique de l’IMEP sous la baguette de Patrick Davin.
Au programme : La Mer de Claude Debussy et la Symphone n°1 en mi mineur de Jean Sibelius.
Œuvre ambitieuse, moderne et originale, La Mer peine à se faire admettre au moment de sa création mais elle est aujourd'hui régulièrement proposée en concert.
C’est en Bourgogne, loin des vagues et de l’océan, que Debussy entreprend l’écriture de La Mer, Trois esquisses symphoniques à l’été 1903. Et l'oeuvre est achevée en à peine deux ans alors que Debussy en a mis cinq pour finir ses Nocturnes et sept pour ses Images ! Créée le 15 octobre 1905 à Paris, elle déchaîne une critique partagée entre incompréhension et curiosité. Aucune œuvre de Debussy n’a peut-être souffert autant que La Mer du décalage entre l’originalité des conceptions musicales et l’accueil qui lui a été réservé. Et c'est peut-être aussi la plus secrète : pas la moindre confidence de l’auteur dans sa correspondance ou ses écrits.
En 1905, La Mer était une œuvre déroutante, beaucoup plus que son Pelléas.
Turner et Hokusai faisaient partie de l’univers iconographique de Debussy, passionné aussi par les objets et estampes d’Extrême-Orient : voilà qui explique le choix de La grande vague de Kanagawa pour la couverture de la partition.
L’œuvre a incontestablement un aspect pictural. Si le compositeur affirme qu'il ne voulait pas une description musicale de la mer, il admet que la musique a cela de supérieur à la peinture, qu’elle peut centraliser les variations de couleur et de lumière d’un même aspect.
Même si Debussy ne la définit pas comme telle, La Mer ressemble fort à une symphonie. L’œuvre est en trois parties.De l’aube à midi sur la mer s’apparente à un premier mouvement traditionnel avec une introduction lente, deux thèmes principaux et une coda. Jeux de vagues emprunte sa forme à un scherzo et Dialogue du vent et de la nuit prend l’allure d’un rondo. Pour Debussy, il s'agit de rendre compte d'émotions éprouvées dans le passé, tout en innovant sur le plan musical. On y retrouve ses recherches sur la forme, la texture orchestrale et l'harmonie.
(*) Samedi 1er (20:00) et dimanche 2 décembre (17:00) en la Salle de Concert de l’IMEP. Tarif : 15€ - 10€ (60+) - Gratuit (→ 26 ans) - Réservations souhaitées