Le Quatuor GoYa ouvre en beauté le 21ème Festival européen de quatuor à cordes Les Voix Intimes à Tournai
Le concert d’ouverture du 21e Festival européen de quatuor à cordes était assuré par le Quatuor GoYa, ensemble regroupant à l’origine quatre musiciennes de quatre nationalités différentes, toutes membres de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam. (Si la composition du quatuor n’a pas changé, son premier violon, notre compatriote Sylvia Huang, a quitté il y a peu la prestigieuse formation néerlandaise pour devenir aux côtés de Saténik Khourdoian la nouvelle co-Konzertmeisterin de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie.)
Donné dans le cadre des Maisons Romanes, lieu qui abrite la sobre église protestante tournaisienne et offre une belle acoustique, le programme débuta par le Quatuor N° 1, Op. 27 (1877-1878) de Grieg, curieusement le deuxième des trois quatuors du compositeur et d’ailleurs le seul à nous être parvenu (le premier fut perdu et le troisième resta inachevé). Comme l’expliqua très bien le musicologue Hugo Rodriguez dans sa captivante introduction, l’oeuvre servit plus que probablement de modèle au Quatuor de Debussy, les similitudes entre ces deux compositions ne pouvant être le seul fruit du hasard. Rare au concert, cette oeuvre de vastes dimensions -elle dépasse les 35 minutes- débute par un Allegro molto aux accents passionnés, suivi d’une Romanza un peu sucrée et salonnarde aux accents vaguement tchaikovskiens. L’Allegro molto marcato alterne des épisodes aux caractère de marche énergique avec d’autres doux et lyriques, mais aussi au caractère de danse populaire norvégienne bien marqué, avant que l’oeuvre ne se conclue sur un énergique Presto al saltarello.
La deuxième partie partie s’ouvrit par un exquis arrangement dû au compositeur japonais Tōru Takemitsu de l’immortelle chanson Les Feuilles mortes de Jacques Prévert et Joseph Cosma, avant de se conclure sur une superbe interprétation toute de sensualité et d’intelligence (magnifique Andantino) du Quatuor de Debussy, dont on n’oubliera pas de sitôt la sens du mystère qui nimbait le le Finale.
Applaudies avec enthousiasme par un public nettement plus chaleureux que la température ambiante, les excellentes musiciennes du Quatuor GoYa -les violonistes Sylvia Huang et Mirelys Morgan Verdecia, l’altiste Saeko Oguma et la violoncelliste Marianne Schaeffer- offrirent en bis le Finale du Quatuor «Américain » de Dvorák, interprété avec autant d’énergie que de lyrisme souriant.
Tournai, Maisons Romanes, le 17 décembre 2022
Patrice Lieberman