A Genève, l’OSR fête Noël

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Dans la semaine qui précède Noël, l’Orchestre de la Suisse Romande organise un concert exceptionnel qui est donné en la Cathédrale Saint-Pierre de Genève le 21 décembre, en la Salle Métropole à Lausanne le 22. Le programme inclut quatre voix solistes et le Chœur de Chambre de la Haute Ecole de Musique de Genève. 

En ce qui concerne la première soirée, il faut d’abord relever que, dans la vaste nef de l’église, le son émis depuis le maître-autel est de bonne qualité sans que l’écho brouille les lignes de force du tissu orchestral. 

Sous la direction de Jonathan Nott, le programme débute par une cantate profane de Joseph Haydn, la scena Berenice, che fai ? sur un texte tiré de l’Antigono de Pietro Metastasio, écrite sur mesure pour Brigida Giorgi Banti qui en assurera la création au King’s Theatre de Londres en mai 1795. La mezzosoprano Marie-Claude Chappuis en est la soliste, donnant au recitativo initial une expression contrastée qui met en lumière le déchirement et les doutes qui assaillent l’héroïne, confrontée à la disparition tragique de Demetrio, son amant. Le Largo lui fait développer un legato intense soutenant sa morne résignation, tandis que l’Allegro conclusif l’entraîne jusqu’aux extrémités de la tessiture pour traduire son désespoir et sa volonté de mettre fin à ses jours. 

Rejointe par la soprano Regula Mühlemann, le ténor Valerio Contaldo et la basse Stephan MacLeod, elle fait ensuite partie du quatuor soliste des Vesperae solennes de confessore (Vêpres solennelles du confesseur) K.339 que Mozart rédige à Salzbourg en août 1780 à l’intention du Prince-Archevêque Hieronymus Colloredo. Intervient surtout le Chœur de Chambre de la Haute Ecole de Musique, remarquablement préparé par Celso Antunes et faisant valoir une magnifique homogénéité des registres. Sous la baguette de Jonathan Nott, cet ensemble confère à l’ouvrage sa véritable dynamique en insufflant des élans de ferveur à la séquence du Confitebor et un éclat particulier au Magnificat conclusif. Cherchant quelque peu ses marques dans le Beatus vir, la voix de soprano de Regula Mühlemann développe un crescendo d’émotion dans le sublime Laudate Dominum.

Pour encadrer cette œuvre brillante, le Chœur a cappella, sans soutien orchestral, propose deux pages saisissantes, Lux aeterna de György Ligeti et Magnificat d’Arvo Pärt. La première, écrite en 1966, requiert un chœur de seize voix mixtes qui donne l’impression d’une polyphonie qui se cherche ; s’appuyant sur une tenue médiane, la progression s’échafaude par strates successives jusqu’à un paroxysme pathétique. La seconde date de 1989 et joue sur les contrastes de coloris opposant le bloc des voix masculines aux timbres féminins. Le declamato mesuré confère une grande sobriété expressive à cette page brève.

Le concert s’achève par une œuvre célèbre, le motet Exsultate, jubilate K.165 de Mozart, élaboré à l’intention du castrat romain Venanzio Rauzzini qui la créa à l’Eglise des Théatins de Milan le 17 janvier 1733. Avec un sourire radieux, Regula Mühlemann aborde l’Allegro initial en masquant sous la fraîcheur de coloris un grave sourd. Elle développe ensuite une ligne superbe dans la séquence Tu Virginum corona prise à tempo rapide puis conclut par le fameux Alleluia qu’elle veut fulgurant, même si certains de ses passaggi sont égratignés. 

Mais qu’importe ! Le public y a trouvé son compte et applaudit frénétiquement les interprètes, même si nous sommes dans un lieu sacré.

Paul-André Demierre

Genève, Cathédrale Saint-Pierre, 21 décembre 2022

Crédits photographiques : Henning Ross

 

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