Les Études de Philip Glass : première intégrale polonaise

Philip Glass (°1937) : Études pour piano, intégrale. Maciej Gański, piano. 2021. Notice en polonais et en anglais. 124.25. Un album de deux CD Dux 1963/1964.

Depuis une dizaine d’années, les enregistrements de l’intégrale des vingt Études de Philip Glass se succèdent. Nous avons évoqué, le 27 juin 2022, celle du pianiste français François Mardirossian (Ad Vitam), fine, contrastée et jaillissante, et brossé à cette occasion un panorama des gravures existantes. Nous y renvoyons le lecteur, ainsi que pour quelques explications au sujet de la composition de l’ensemble de ces pages, étalées sur une bonne vingtaine d’années, entre 1991 et 2012, au fil des envies du musicien, entre écriture d’opéras, pour le cinéma ou de symphonies. Certaines d’entre elles ont pris un caractère plus spécifique ; c’est le cas des n° 2 à 5, 9 et 10, qui ont vu le jour en 1994 pour le cinquantième anniversaire de Dennis Russell Davies, ami proche de Glass et créateur de plusieurs de ses symphonies. L’épouse du chef d’orchestre, la Japonaise Maki Namekawa, a d’ailleurs gravé la première intégrale pour OMM en 2013. D’autres Études ont fait l’objet de commandes d’institutions ou d’interprètes. 

C’est de Pologne que nous parvient une nouvelle approche. Le pianiste Maciej Gański (°1984) est originaire de Gdansk, cité portuaire au bord de la Baltique, où a été effectué le présent enregistrement en septembre 2021, dans la salle de concert de l’Académie de musique locale Stanislaw Moniuszko. C’est dans cet établissement que Gański a étudié, ainsi qu’au Danemark ; il s’est perfectionné auprès de personnalités comme Philippe Entremont, Eugen Indjic ou Bernard Ringeissen. Lauréat d’une vingtaine de concours nationaux et internationaux, ce pédagogue apprécié enseigne depuis 2009 dans cette même académie de sa ville natale, tout en donnant des concerts dans divers pays européens, mais aussi au Japon, en Chine ou aux Etats-Unis. Il compte cinq albums à son actif, dont des Transcriptions de Liszt qui sont le complément de sa thèse de doctorat sur le même sujet. 

Le label Dux, dont les productions sont la plupart du temps présentées avec soin, ne facilite pas cette fois la compréhension de sa notice, rédigée en caractères microscopiques qui nécessitent l’utilisation d’une loupe pour les déchiffrer. Des pages entières de la brochure d’accompagnement étant réservées à des photographies peu séduisantes en noir et blanc dont on saisit mal la présence, il aurait été judicieux de les limiter et d’offrir au mélomane une lecture moins fastidieuse. L’inconvénient surmonté, le texte n’apprend rien sur la démarche de l’interprète. Ce qui est dommage, car sa conception retient l’attention, entre dynamisme immédiat, qualité des nuances et des couleurs et profondeur sensible, sur la base d’un climat clair, marqué par une narration qui, comme chez François Mardirossian, progresse avec une expressivité réfléchie.

Signalé pour sa technique transparente et cristalline, Maciej Gański en fait une éloquente démonstration, notamment dans la vaste élaboration des Études n° 5 et 7. Il sait maintenir le cap de la pulsation, mais aussi laisser respirer les moments plus intimistes. Il faut bien constater que ces vingt pièces, ici servies par un Steinway au son chaleureux et limpide, ont de la chance. Leur grande liberté de langage permet aux interprètes de se lancer dans une fructueuse lecture personnelle et caractérisée. C’est ce à quoi aboutit l’interprète polonais, qui vient compléter avec bonheur les versions déjà disponibles, même si notre préférence va d’abord à celle de François Mardirossian, dont l’inspiration introspective nous avait particulièrement séduit.  

Son : 8,5  Notice : 4  Répertoire : 10  Interprétation : 9

Jean Lacroix