Concertos pour violoncelle dans le préclassicisme nord-allemand, dont deux raretés

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Cello Concertos from Northern Germany. Ignác František Mára (1709–1783) : Concerto en ut majeur. Markus Heinrich Grauel (c1720-1799) : Concerto en la majeur. Johann Wilhelm Hertel (1727-1789) : Concerto en la mineur. Carl Friedrich Abel (1723-1787) : Concerto en si bémol majeur. Gulrim Choï, violoncelle. Ensemble Diderot. Johannes Pramsohler, Roldán Bernabé, violon. Alexandre Baldo, alto. François Leyrit, contrebasse. Jadran Duncumb, théorbe, luth. Philippe Grisvard, clavecin. Livret en anglais, français, allemand, japonais, coréen. Juin 2021. TT 64’05. Audax ADX 11200

Fondé il y a une dizaine d’années, l’Ensemble Diderot poursuit l’exploration de son répertoire de prédilection, dans l’aire nord-allemande, et nous intéresse ici à quatre concertos pour violoncelle, dont deux enregistrés pour la toute première fois. Écrits par des contemporains de CPE Bach dans le contexte du conflit saxo-prussien, ils cultivent divers aspects du préclassicisme, et manifestent l’émancipation d’avec la viole de gambe. Le concerto d’Abel fut d’ailleurs vraisemblablement conçu pour cet instrument qui faisait sa renommée à la prestigieuse Hofkapelle de Dresde. C’est dans ce cénacle que Frédéric le Grand débaucha quelques virtuoses pour sa Cour berlinoise. En marge des obligations de service, quelques musiciens exploitaient leur talent de compositeur dans des assemblées de concert comme les Freitagsakademien.

C’est dans ce genre de soirées du vendredi que brillèrent le Bohémien Ignác František Mára, probable dédicataire des trois concertos de Carl Philipp Emanuel, et Markus Heinrich Grauel qui témoigne d’une transition entre le baroque (selon le chroniqueur Charles Burney, il tenait l’archet à l’ancienne) et le style galant. Pour autant, sa plume ne semble pas particulièrement inspirée, du moins loin de l’éloquence latine du lancinant Adagio de Mára, rehaussé de pizzicati. Johann Wilhelm Hertel, collègue de Grauel à la Cour de Mecklembourg-Strelitz, lui aussi natif d’Eisenach, se rapproche mieux de l’Empfindsamkeit. En atteste son concerto en la mineur, un des deux qu’il produisit pour la Cour de Schwerin qui le comptait comme Konzertmeister, et le plus abouti des quatre que nous entendons dans ce programme -il fut d’ailleurs déjà enregistré par Bettina Messerschmidt (CPO, juillet 2019) et précédemment par Alexander Rudin (Chandos, mai 2015). À l’instar de l’autre concerto en la majeur, non inclus dans le présent album, la partition autographe est désormais détenue au Conservatoire de Bruxelles.

Autour de la soliste coréenne, qui participe à l’Ensemble Diderot depuis l’origine, l’équipe a plausiblement opté pour un format chambriste (deux violons, alto, contrebasse, clavecin et corses pincées) qui permet un accompagnement précis et néanmoins garant d’équilibre et de plénitude, serti dans une plantureuse captation. Élan des coups d’archets (Presto de Mára, l’incessant influx de l’Allegro con spirito de Hertel), maîtrise du registre aigu (Concerto d’Abel), gestion des dynamiques : sur son John Simpson (Londres, milieu XVIIIe siècle), Gulrim Choï est l’avocate circonspecte de ces pages qu’elle sert avec fougue, sensibilité et intelligence, sans forcer leur trait ni leur génie. Qui se plaindra d’un si juste dosage quand tous les ingrédients interprétatifs plaident pour la découverte de ces œuvres ?

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 7-9 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

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