Idée originale peut-être, mais pas exquise !

par

Robert SCHUMANN (1810-56) - Leos JANACEK (1854 – 1928)
Fantasiestücke-Davidsbündlertänze-Po zarostlém chodníčku
Jonathan Biss (piano)
2014-DDD- 79′ env.-Textes de présentation en anglais –Wigmore Hall Live

Un an après son troisième volume des sonates pour piano de Beethoven, le pianiste américain nous revient avec un CD enregistré au Wigmore Hall. Le programme est surprenant : il débute avec les Fatasiestücke de Schumann, interrompues par le cycle Sur un sentier recouvert (Po zarostlém chodníčku) de Janacek, avant de reprendre, cette fois sans coupure, les Davidsbündlertänze (Schumann).
Il est important de comprendre les choix Jonathan Biss car, de prime abord, l’association des deux compositeurs n’est pas de celle que nous qualifierions de naturelle.
Il part du postulat qu'on ne reconnaît pas assez à Schumann une influence sur la technique pianistique des siècles qui le suivent. Sa volonté est ici de lui associer un compositeur qui est le successeur direct de sa technique pianistique et compositionnelle. Encore fallait-il trouver des liaisons entre ces répertoires. C’est donc en se basant sur l’émotion propre des pièces et leurs proximités de ressenti global que les trois cycles furent choisis.
Si, sur le papier, l’idée semble intéressante, la réalisation laisse malheureusement à désirer. Le passage de l'un a l'autre est surprenant et il empêche, le temps d’une mesure, de profiter pleinement de la pièce. De plus, et sans conformisme outrancier, rappelons que les cycles répondent à une logique interne. Les Fantasiestücke forment un cycle composé à partir des poèmes d’E.T.A. Hoffman tandis que les pièces de Janacek sont l’expression solennelle de son ressentiment. Aussi, bien que les pièces puissent se suffirent à elles-mêmes, tresser la poésie d’Hoffman et les ressentiments de Janacek déforce les cycles et le sentiment de globalité.
Jouer l’entièreté d’un cycle avant de débuter le deuxième aurait été plus judicieux et tout aussi démonstratif des similarités esthétiques. Mais il faut reconnaître l’intérêt du fil conducteur car, outre l’esthétique, ces pièces prennent toutes la forme de miniatures. De même, l’association de Sur un sentier recouvert et des Davidsbündlertänze prend sens car le sujet commun est l’expression des sentiments par l’aphorisme musical. En continuant dans cette logique, Jonathan Biss a d’ailleurs adjoint -durant le concert mais pas sur le CD- la Sonate pour piano op.1 d’Alban Berg en guise de transition.
Ceci éclairci, venons-en à la musique. A nouveau, c'est peu convaincant. Si les nuances sont présentes, la musique est rigide, la métrique marquée, la main gauche -souvent trop présente- écrase la mélodie, et le son est dénué de brillance. De manière générale, son interprétation manque d’air, de respiration et la sémantique musicale s’efface au profit d’une linéarité froide. Les oeuvres ne reposent dès lors que sur leur beauté intrinsèque brutalement mise à nue. Nous pourrions plus longuement nous étendre sur l’intérêt de ses interprétations désincarnées mais rappelons-nous simplement que l’interprétation répond d'abord à des émotions personnelles.
Nous dirons que pour son deuxième CD "live", le pianiste américain nous offre une version peu convaincante d’un programme qui pouvait en offrir plus.
Xaver Falques

Son 6 – Livret 9 – Répertoire 7 – Interprétation 5

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