Les trios à cordes de Beethoven à l'honneur chez Audite

par

Ludwig
van BEETHOVEN
(1770-1827)
Trio à cordes opus 3-Sérénade opus 8-Trios à cordes opus 9 n° 1 à 3
Trio à cordes Jacques THIBAUD
2015-DDD-72'23 et 73'35-Textes de présentation en allemand et anglais-Audite 23.430 (2 cd)

Traditionnellement mésestimés par rapport aux trios avec piano, plus brillants, et aux quatuors à cordes, inatteignables dans leur perfection, du maître de Bonn, les trios à cordes n'ont jamais bénéficié d'une discogragraphie comparable à celle consacrée à ces deux ensembles. Beethoven lui-même ne se sentit jamais tout à fait à l'aise dans cet exercice qu'il délaissera bientôt pour se plonger dans l'écriture de ses premiers quatuors à cordes, ceux de l'opus 18. L'opus 3 souffre tout à la fois d'un relatif manque de métier et d'une longueur qu'on peut juger excessive (45') par rapport au contenu. Il est donc fort difficile pour les interprètes de faire vivre ces pages un peu fastidieuses, ces reprises sans fin, ces développements assez limités, ces mélodies agréables mais qui ne bouleversent guère et il faut avouer que notre trio ne parvient guère à nous les rendre vraiment intéressantes malgré le soin indéniable qu'il apporte à leur interprétation. La Sérénade opus 8 est beaucoup plus amène et les trois musiciens y trouvent bien davantage de quoi déployer leur talent. Passons sur le Marcia initial, vraiment trop carré, surtout si l'on se souvient du charme d'Arthur Grumiaux et de ses amis. L'adagio qui lui fait suite est beaucoup plus intéressant, où le violon de Burkhard Maiss peut cette fois s'exprimer avec tout le lyrisme voulu. Le climat quelque peu étrange du 4e mouvement, page assez libre, est parfaitement rendu, avec ses airs de ritournelle triste entrecoupée d'épisodes plus nerveux. Rien à dire sur les autres parties où l'on regrettera seulement un rien de crispation ici et là, alors qu'on attendrait davantage de détente. Pïèce de résistance de ce corpus, les trois volets de l'opus 9 constituent ce que Beethoven a réalisé de plus accompli pour cette formation. Dès l'abord, ils frappent par leur dimension sonore et leur complexité contrapuntique bien plus développée, à tel point qu'ils nous donnent parfois l'impression en trompe-l'oeil qu'il s'agit bel et bien de quatuors à cordes. Il est dès lors tentant de voir dans ceux-ci un ultime champ d'expérimentation avant de s'attaquer au genre suprême du quatuor. Même si l'on reste fidèle à l'inégalable trio formé par Heifetz, Primrose et Piatigorsky qui en exprimait avec panache les innombrables beautés, nos Suisses s'y défendent avec tous les honneurs: interprétation vigoureuse mais toute en contrastes, passion contrôlée où la délicatesse et la puissance alternent avec bonheur. Le ton quelque peu élégiaque des mouvements lents est rendu avec un sens musical rare, sans verser dans le sentimentalisme. En somme, une proposition tout à fait honorable pour découvrir l'un des versants les moins empruntés du massif beethovénien, pourtant gratifié de quelques paysages qui valent largement le détour.
Bernard Postiau

Son: 9 Livret: 9 Répertoire: 10 Interprétation: 8

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