Magnifique invitation à se plonger dans l’œuvre pour clavecin de Johann Krieger

par

Johann Krieger (1652-1735) : Sechs Musicalische Partien. Tatjana Vorobjova, clavecin. Livret en anglais, français, allemand. Août 2020. TT 77’06. MDG 921 2204-6

Ce frère cadet de Johann Philipp Krieger (1649-1725), on le rencontre parfois au détour d’anthologies consacrées au clavier baroque germanique, par exemple « Bach and contemporaries » de Luc Ponet sur l’orgue Thomas de l'abbaye de Leffe (Pavane, mai 1997). Mais on ne comptait aucun enregistrement complet des deux corpus majeurs de Johann Krieger avant le Anmuthige Clavier-Übung gravé par Reinhard Kluth à Nideggen (Fagott, 2008). À ce recueil de 1699, le double-album d’Alejandro Casal chez Brilliant (novembre 2018 - mai 2019) adjoignit les Sechs Musicalische Partien, bouclant sur tuyaux et clavecin une quasi intégrale de ce qui subsiste de l’œuvre pour clavier de ce compositeur natif de Nuremberg. Le présent disque se consacre à ces six Partitas publiées en 1697 dans sa ville natale, entretoisées à quelques danses plaisantes (menuets, gavottes, bourrées) figurant dans le même recueil, ainsi qu’à d’autres pièces (Préludes, Fantaisie, Passacaille) empruntées au Anmuthige Clavier-Übung et aux Werke abschriftlicher Überlieferung.

Formée à Riga, Oslo, Cologne (avec Ketil Hausgand) et Bruxelles, Tatjana Vorobjova se distingue ici par un jeu plein et vif qui épouse vigoureusement le style brisé, hérité de Froberger, et anime sans relâche les foisonnantes polyphonies de ces cahiers. La claveciniste lettone a choisi un somptueux instrument à deux claviers de Titus Crijnen (2004), d’après Rückers. Deux registres de huit pieds, un quatre pieds, un jeu de luth servent un parcours particulièrement éloquent où la gravité des Allemandes et Sarabandes, la loquacité des Courantes varient les attraits, dans une plastique sculpturale. On ne manquera pas la délicieuse Gigue de la Partita en La (plage 30), d’une espièglerie toute scarlatienne. Armé d’une resplendissante captation, charpentée et ruisselante d’harmoniques, ce SACD constitue une magnifique porte d’entrée pour découvrir ces ouvrages décidément trop délaissés. Krieger regrettait que son imprimeur n’ait pu éditer davantage de ses manuscrits. Du moins, on ne peut qu’espérer que Tatjana Vorobjova nous offre bientôt un second volume qui complèterait ce portrait, interprété avec la même virtuosité et le même goût. En l’état, voici un des plus intéressants et gratifiants disques de clavecin qui nous soit arrivé ces derniers mois. Et quelle prise de son !

Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

 

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