Mahler mesuré avec Tomáš Netopil

par

Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n°3 en Ré mineur. Bettina Ranch, alto ; László Kunkli, cor de postillon ; Alto Kinderchor ; Kinderchor der Deutschen Oper Berlin ;  Damen des Philharmonischen Chores Essen, Essener Philharmoniker, Tomáš Netopil. 2023. Livret en allemand et anglais. Oehms Classics OC 1718. 

Nous avions apprécié l’enregistrement de la Symphonie n°6 de Mahler par Tomáš Netopil au pupitre de son Orchestre Philharmonique de Essen. Dès lors, nous avions grandement envie de l’écouter dans cette Symphonie n°3, partition de démesure cosmique. Hélas, cette nouvelle version vient se perdre dans la vaste discographie. 

Dans la droite ligne de tant d’interprétations contemporaines, Tomáš Netopil défend, tout au long de la symphonie, un Mahler instrumental, dénué d’impact dramatique ou de contrastes narratifs. Le chef prend son temps pour imposer le climat et travaille à la loupe la masse instrumentale. Certes le travail sur les nuances est intéressant et culmine dans un dernier mouvement diaphane d’une douceur poétique et apaisée même avare de sens de la progression. 

Cette direction placide et sur-nuancée casse le discours. Les trois premiers mouvements, à commencer par l’imposant portique d’entrée “Kräftig. Entschieden”,  peinent à avancer. Ce premier mouvement est aussi peu Kräftig (avec force) que Entschieden (décidé).  Pourtant, comme dans la Symphonie n°6, la prestation de la phalange germanique est fabuleuse tant dans son homogénéité que dans les interventions des pupitres. Les mouvements vocaux souffrent également de ces défauts, et malgré le timbre superlatif et envoûtant de l'alto Bettina Ranch. Ainsi le quatrième mouvement “Sehr langsam. Misterioso. Durchaus ppp” s’étire aux limites du décrochage et même de l'ennui.  Si le mouvement final est bien mené au regard de la cohérence de la vision du chef, avec une volonté presque chambriste de soigner les détails et la palette des nuances, il clôt de manière inachevée cette interprétation en demie-teinte, sauvée par la qualité de l'orchestre.

Dès lors, une lecture qui, en dépit de l’excellence des pupitres du Essener Philharmoniker et des vaillantes forces vocales du Alto Kinderchor et du Kinderchor der Deutschen Oper Berlin ainsi que des voix féminines des Philharmonischen Chores Essen, n’a hélas pas grand impact dans une discographie bardée de références. A l’écoute de cette version, on a tellement envie de remettre sur les platines l’une des gravures brassées et engagées de Leonard Bernstein ou de Klaus Tennstedt ! 

Le son est des plus satisfaisants et le digipack qui reprend une toile de Klimt est superbe. Notons le soin, toujours bienvenu de citer le soliste de la partie de cor de postillon : le formidable László Kunkli, chef de pupitre du Essener Philharmoniker. 

Son : 9 Livret : 9  Répertoire : 10 Interprétation : 6

Pierre-Jean Tribot 

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