Oedipe roi selon Pizzetti et Stravinsky

par

Ildebrando Pizzetti (1880-1968) : 3 préludes orchestraux pour le Oedipus Rex de Sophocle ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Oedipus Rex, Opéra oratorio en 2 actes. Aj Glueckert, Oedipe ; Ekaterina Semenchuck, Jocaste ;   Alex Esposito, Créon ; Adolfo Corrado, Tirésias ; Luca Bernard, Un pasteur; Sebastian Geyer, le messager ; Massimo Popolizio : narrateur.  Orchestra e Coro del Maggio Musicale Fiorentino, Daniele Gatti. 2022. Livret en anglais. Texte chanté en latin. Traduction en anglais. 75’22. Dynamic CDS 7981. 

Le label Dynamic propose l’édition d’un intéressant concert placé sous le signe d’Oedipe Roi. Le programme débute avec les 3 préludes orchestraux pour le Oedipus Rex de Sophocle de l'Italien Ildebrando Pizzetti. Fruit d’une commande de l’acteur Gustavo Salvini pour le théâtre Olympia de Milan, cette partition est l'œuvre d’un compositeur de 24 ans.  D’une belle vingtaine de minutes, ce triptyque orchestral présente une atmosphère raffinée dans la droite ligne de l'impressionnisme musical, tout en étant traversé par des effets d'archaïsme avec de belles inflexions de la modulation. L'écriture orchestrale est très maîtrisée et brillante. Le mouvement central “Con impeto, ma non troppo mosso”, présente un climax suggestif et puissant. Daniele Gatti au pupitre d’un orchestre florentin convaincu livre l’interprétation de référence de cette partition à découvrir. 

Au fil des années, Oedipus Rex est presque devenu une rareté au concert alors que les nouvelles versions discographiques se sont soudainement raréfiées. On se rappelle les années 1980/1990 et le début des années 2000 avec tant de belles versions : Seiji Ozawa (Philips), Esa Pekka Salonen (Sony), James Levine (DGG), Colin Davis (Orfeo), John Eliot Gardiner (LSO) ou même Franz Welser-Möst (Warner) et Valery Gergiev (Mariinsky). On est donc ravi d'accueillir cette nouvelle version florentine. Daniele Gatti n’est pas le type de chef énergisant à la Salonen ou à la Gergiev. Son style de direction est toujours en retenue dans les tempi et cherche à creuser le matériau musical. Dès lors, il attaque le chef d'œuvre de Stravinsky avec un hiératisme massif qui cherche à imposer le climat de la tragédie. La puissance instrumentale et chorale sert le drame de cette vision assez monolithique qui ne cisèle pas l’originalité de la partition comme un Salonen. Ce n’est en rien un non-sens, même si les amateurs de direction brillante passeront leur chemin. L'œuvre fait la part belle aux chœurs masculins, et ceux du Mai musical florentin sont à couvrir d’éloges par l’homogénéité, la projection et les couleurs. La distribution est solide et homogène avec les très belles prestations d’Ekaterina Semenchuck en Jocaste et Alex Esposito en Créon. Saluons la narration, en italien, d'un Massimo Popolizio particulièrement engagé dramaturgiquement.

L’album est solide et cohérent et la prise de son de concert est une belle réussite. Notons que Dynamic propose également cette captation en version filmée, tant en DVD qu’en Blu-Ray. Vu le côté très statique de ces partitions, la version audio peut largement suffire à moins de faire partie des groupies du chef d’orchestre.  Dans l’absolu, la cohérence du couplage fait référence, mais en terme de version d'Oedipus Rex seul, on reste fidèles aux gravures de Seiji Ozawa et Esa Pekka Salonen. 

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 10  Interprétation : 9

Pierre-Jean Tribot

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