Mandoline et accordéon au pinacle avec Vladimir Cosma

par

Vladimir Cosma (°1940) : Œuvres pour mandoline et accordéon : Suite populaire ; Concerto méditerranéo ; Fantaisie concertante ; Cinéjazz. Vincent Beer-Demander, mandoline ; Grégory Daltin, accordéon. 2020. Notice en français et en anglais. 53.49. Larghetto Music LARGH038.

Vladimir Cosma étudie le violon et la composition au Conservatoire de Bucarest, sa ville natale. Il est en France dès 1963, où il poursuit sa formation auprès de Nadia Boulanger. Intéressé par le jazz et la musique populaire, il se voit confier cinq ans plus tard la musique du film Alexandre le bienheureux d’Yves Robert. Bien d’autres succès vont suivre au cinéma. Plus de cinq cents partitions verront le jour, dont Le Grand blond avec une chaussure noire, Les Aventures de Rabbi Jacob, La Boum, L’As des As, Un éléphant ça trompe énormément ou Le Père Noël est une ordure. Son catalogue, y compris pour la télévision, est impressionnant. Cosma aborde tous les genres : le jazz bien sûr, la chanson, la world music, mais aussi les formes classiques. Il compose des œuvres symphoniques ou chorales, des concertos pour divers instruments (violon, violoncelle, trompette, trombone, etc.), de la musique de divertissement et de la musique de chambre. Le présent CD propose un échantillon de quatre œuvres pour mandoline et accordéon.

J’ai commencé à m’intéresser à la mandoline depuis mon enfance jouant moi-même du violon, instrument très proche de la mandoline sur lequel on joue sans archet, en pinçant les cordes accordées pareillement. Je connais donc bien toutes ses possibilités techniques, explique Vladimir Cosma dans la très intéressante notice. Il ajoute : D’ailleurs Paganini, le roi des violonistes, jouait également de la mandoline. Cosma insiste aussi sur la présence de l’accordéon qui se mélange avec la mandoline bien mieux que le piano. On ne peut que donner raison au compositeur à l’écoute de ce disque entraînant, qui propose aux deux instruments une affiche à la fois virtuose, sensible, lyrique et colorée. La Suite populaire, qui ouvre le programme et n’est pas sans évoquer les rythmes des Danses roumaines de Bartok, entraîne l’auditeur, en six brefs mouvements, de la Transylvanie à la Provence si souvent célébrée par Cosma. Ici le folklore sert de tremplin pour l’imagination fertile du compositeur, à travers un burlesque, une marche ou une farandole. Le mariage mandoline/accordéon confirme sans ambages les propos de Cosma évoqués plus avant.

Le Concerto méditerranéo de 2015 a été écrit à la demande de Vincent Beer-Demander. Né en 1982, ce dernier, qui s’est formé à Paris, est lauréat de plusieurs concours internationaux et enseigne au Conservatoire Royal de Liège. Il a suscité de nombreuses œuvres nouvelles pour la mandoline, dont des concertos de Claude Bolling, Jean-Claude Petit ou Lalo Schiffrin (voir la présentation de la version chambriste de ce dernier, avec le même interprète, par Carlo Schreiber dans nos colonnes le 10 mars). Le titre de cette partition est significatif : Cosma rend hommage à l’ensoleillement et aux couleurs de cette région. Si l’Allegro risoluto initial reprend un thème vigoureux de ses Fables de La Fontaine de 2006 pour récitant et orchestre (à découvrir avec Lambert Wilson pour le même label), c’est dans le souvenir de la musique du film Soleil de Roger Hanin qui date de 1997, assorti d’autres thèmes, que Cosma puise la mélancolie sentimentale qui domine le Largo. Le souvenir de l’opéra en deux actes de 2007 Marius et Fanny, inspiré de Pagnol, est une autre manière, dans l’Allegro giocoso, de célébrer Marseille avec une chaleur inondée de lumière. A l’accordéon, Grégory Daltin, qui s’est formé à Toulouse où il enseigne aujourd’hui, forme avec Beer-Demander un duo dont la complémentarité se traduit en termes d’enthousiasme et d’ivresse sonore.

C’est encore à la demande du mandoliniste que Cosma compose en 2016 une Fantaise concertante en quatre mouvements, dans laquelle il suggère un dialogue subtil, mais aussi exaltant, entre les deux instruments autour d’un tango, d’une mazurka parisienne, d’une romance et d’un pizzicato. Pour clôturer ce panorama original et souvent festif, le duo propose un Cinéjazz qui fait revivre l’adaptation cinématographique du Dîner de cons de Francis Veber (avec l’insertion au générique d’une chanson de Georges Brassens), du film de 1976 Le Jouet, encore de Francis Veber, et enfin du Bal des Casse-pieds d’Yves Robert (1991). On retrouve avec plaisir l’univers musical, parodique et stylisé, de ces moments d’agrément visuel.

Le duo Vincent Beer-Demander et Grégory Daltin éprouve un plaisir évident à évoluer tout au long de ces pages divertissantes que l’on aurait tort de prendre à la légère. Elles démontrent non seulement l’intarissable imagination musicale de Vladimir Cosma, sa verve, son dynamisme et sa capacité à donner à la musique populaire cette noblesse qu’elle mérite et revendique. Un CD pour le plaisir de sortir des sentiers battus du classique conventionnel.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 8  Interprétation : 10

Jean Lacroix 

 

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