Miroir du temps : Bach, Leonhardt, Sempé, jeu à trois mains

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Tradition & Transcription. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Sonate pour violon BWV 1005 ; Sarabande et Gigue pour violon BWV 1004 ; Sarabande pour violon BWV 1002 ; Sarabande et Gavottes pour violoncelle BWV 1012 [transcriptions Gustav Leonhardt]. Praeludium BWV 940 ; Variatio 13 des Variations Goldberg BWV 988. Johann Jakob Froberger (1616-1667) : Méditation faite sur ma mort future. Johann Kaspar Ferdinand Fischer (1656-1746) : Harpeggio en ré majeur ; Toccata en ré mineur [Musikalischer Parnassus]. Sylvius Leopold Weiss (1687-1750) : Allemande en ré mineur [transcription Skip Sempé]. Juan Cabanilles (1644-1712) : Tiento II de falsas. Gustav Leonhardt (1928-2012) : Adagio. Henry Purcell (1659-1695) : Ground Z. 222 ; A New Ground Z. 682. Johann Kuhnau (1660-1722) Praeludium en sol majeur. Skip Sempé, clavecin. 2019. Livret en anglais et français. TT 63’48. Paradizo PA 0018

Le clavecin fait par Martin Skowroneck en 1975 d’après le « Vaudry 1681 » conservé au Victoria & Albert Museum de Londres appartint à Gustav Leonhardt. Légué à Skip Sempé, le voici qui convoie cet hommage, tant à Bach qu’au regretté musicien néerlandais. Six parties structurent ce récital intelligemment architecturé. Notamment par des pièces que Leonhardt exécuta lors de ses ultimes concerts, à Rungis et au Théâtre parisien des Bouffes du Nord : le Memento Mori de Froberger ouvre le programme, un Ground de Purcell le referme. Le 12 décembre 2011, l’insondable variatio 25 des Goldberg égrena les dernières notes que l’Amstellodamois joua en public. C’est la treizième variation qui en guise de pivot figure en plage médiane de ce CD, celle-ci car Skip Sempé l’estime plus optimiste. Preuve qu’il ne conçoit son disque ni sous l’angle funèbre de l’épitaphe ni sous le joug du parrainage mémoriel.

Bach déclina pour clavier certaines de ses partitions, Leonhardt suivit cet exemple, allant même en 1967 à compléter l’Adagio BWV 968 (probablement de la propre main du Kantor) par les trois autres mouvements de la Sonate en ut majeur. De son cru, d’autres arrangements des Partitas 2 et 3 pour violon et de la 6e Suite pour violoncelle servent de fil rouge au disque. D’autres pages du répertoire germanique, originales ou transcrites (une Allemande de Weiss dérivée du luth), mais aussi une incursion hispanique (un Tiento de Cabanilles) complètent sensiblement le tableau.

Les considérations que développe Skip Sempé dans la notice-interview, particulièrement au sujet de la résonnance de l’instrument au service de la polyphonie, et la subtilité du toucher, trouvent à s’employer dans son interprétation fine, souple et émue. La volubilité s’exprime sans carcan (allegro assai BWV 1005, les gavottes), la poésie affleure en toute liberté. Même les arpèges du Praeludium de Kuhnau entrouvrent des espaces d’inspiration insoupçonnés. Le brio que l’on prête au claveciniste américain se plie ici à des vertus plus précieuses et des connexions plus intimes. Dix ans après la disparition de Leonhardt, cet album complice est tout à son honneur, et nous fait le spectateur privilégié de cette connivence.

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

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