Motets pour alto soliste de Zelenka, retour au catalogue

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Jan Dismas Zelenka (1679-1745) : Barbara, dira effera! ZWV 164. Alma Redemptoris Mater ZWV 126. Hipocondrie ZWV 63. Christe Eleison en mi mineur ZWV 29. Lamentatio III/2 ZWV 53/6 [Lamentationes pro Die Venris Sancto]. Sinfonia en ut mineur [Penitenti al Sepolcro del Redentore]. O Magnum Mysterium . Dormi nate, dormi, Deus ZWV 171. Sollicitus fossor ZWV 209. Alex Potter, contre-ténor. Dominik Kiefer, Capriccio Barockorchester. Février 2012, réédition 2022. Livret en anglais et allemand, paroles en latin et traduction bilingue. TT 81’05. Christophorus CHR 77463

Le label Christophorus réédite un enregistrement initialement paru voilà dix ans sous étiquette Pan Classics : un récital d’airs sacrés pour voix alto puisés dans le catalogue de Jan Dismas Zelenka, actif à la Cour de Dresde, dont la Hofkapelle comptait de célèbres chanteurs masculins de haute tessiture en ce premier tiers du XVIIIe siècle (François Godfroid Beauregard, Nicolo Pozzi, Domenico Annibali, Antonio Campioli…)

Dans la Lamentation pour le Vendredi Saint, le ton ému et le timbre chaud d’Alex Potter séduisent, -l’appel à la repentance se fait attendrissant. De la Passion à la Nativité, c’est encore la sobriété qui domine son interprétation d’O Magnum Mysterium, même si la substitution des flûtes à bec par des traversières modère le charme rustique du tableau de crèche. Le contre-ténor aborde le Christe Eleison (mouvement de messe isolé) avec la même retenue qui parvient à toucher, malgré un accompagnement sec. En fin de parcours, le copieux programme incluait aussi un motet d’attribution incertaine mais qu’au vu des éléments stylistiques l’on peut créditer au Bohémien : sensibilité à fleur de peau, audace du coloris instrumental (avec basson obbligato, ici tenu par Dana Karmon, et violoncelle soliste), et une piquante audace prosodique et harmonique.

Le versant lyrique du disque est complété par deux pages pour orchestre parmi les plus notoires du compositeur : Hipocondrie sous format d’Ouverture à la française, datée de 1723 à Prague. Et la lugubre Sinfonia en ut mineur tirée de l’oratorio Penitenti al Sepolcro del Redentore. Comparé à la fiévreuse lecture que les troupes d'Alexis Kossenko savent électriser en concert, le Capriccio Barockorchester semble bien prudent pour articuler les rythmes croisés de l’Adagio et dramatiser l’hypnotique fugato central. Cette approche édulcorée et lubrifiée des visions du sépulcre ne constitue cependant pas la déception majeure qu’encourt l’écoute.

La diction maniériste d’Alex Potter dans l’Alma Redemptoris Mater pose bas, marche sur des œufs, et s’avère particulièrement béate et melliflue dans le conclusif Peccatorum Miserere. C’est certes un moindre mal face à ce qu’on éprouve dans le Barbara, dira effera! : une grasse onction conduit à épaissir et niaiser les lignes affutées de cet exorde pourtant noté sempre fiero dans la partition. L’ensemble instrumental crépite avec le brio requis mais le rageur brûlot s’encombre d’une prestation vocale repue, ampoulée, et anecdotique, presque badine. Là où le texte la voudrait acerbe. Colorer la note (quitte à insécuriser la justesse) au lieu de darder le jet, mâcher les mots, amuser au lieu d’édifier : la posture commencerait à convenir dans les vocalises de l’Alléluia final, mais globalement c’est une autre flamme, bien plus droite, qu’on attendrait de cette rageuse évocation autour de la Croix du Sauveur.

Son : 7,5 – Livret : 9 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 4 à 8,5

Christophe Steyne

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