Nikolai Lugansky aristocratique et envoûtant

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À peine distingué par un Prix Caecilia pour son superbe enregistrement de l’intégrale des Préludes de Rachmaninov (Harmonia Mundi) dont il rappela en prenant possession de son prix et de sa médaille qu’il avait été réalisé à Flagey, Nikolai Lugansky allait offrir peu de temps après un florilège de sept de ces perles au public enthousiaste et connaisseur venu en nombre entendre le grand pianiste russe dans la belle salle bruxelloise.

Ecouter Lugansky dans ce choix de Préludes, tous tirés de l’Opus 32, c’est recevoir une véritable leçon de style de la part d’un musicien intègre, sensible et aux moyens techniques exceptionnels. Quel charme et quelle fraîcheur dans le Cinquième, quelle simple beauté dans le magnifique Dixième (et comme le pianiste sait construire un crescendo), quelle infinie délicatesse dans le Onzième, quel étonnant côté pince-sans-rire -si proche des interprétations du compositeur- dans le Douzième, et quelle stupéfiante maîtrise dans le Treizième où les cascades de notes jaillissent apparemment sans effort tout en bannissant toute superficialité ou brutalité.

Si l’excellence du pianiste dans la musique de ce compositeur qu’il a toujours si bien servi ne constitua pas une surprise, elle ne fut pas moindre dans une splendide Troisième sonate de Scriabine dont Lugansky offrit ici une version d’un romantisme à la fois capiteux et héroïque. L’inattendue révélation de la soirée fut  le splendide Prélude, Fugue et Variation, Op. 18 de César Franck (écrit à l’origine pour orgue, et proposé ici dans l’arrangement pour piano qu’en réalisa Harold Bauer) par lequel Lugansky entama son récital. La beauté angélique et la délicatesse du Prélude, la Fugue interprétée avec autorité et sans sécheresse furent un véritable enchantement, alors qu’on ne se lassait pas du toucher invariablement délicat et soyeux d’un Lugansky pianiste et poète.

Dans le Deuxième Livre des Images de Debussy, Lugansky fut à nouveau remarquable, en particulier dans un Cloches à travers les feuilles hiératique et frémissant et rendu avec une égalité de toucher stupéfiante, même si on a connu des interprétations de Poissons d’or qui creusaient encore plus sous les notes de cette musique à la beauté si insaisissable.

Lugansky clôtura cette sélection debussyste par une Isle joyeuse où il fit montre d’une virtuosité véritablement ensorcelante, se jouant de toutes les difficultés de la partition pour en offrir une version absolument magique et solaire, débordante de liberté et d’imagination.

Flagey, Studio 4, 2 avril 2019.

Crédits photographiques : Jean-Baptiste Millot

 

 

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