Ola !
Gaetano DONIZETTI (1797-1848)
L'Elisir d'Amore
Miah PERSSON Adina, Rolando VILLAZON Nemorino, Roman TREKEL Belcore, Ildebrando d'ARCANGELO Dulcamara, Regula MÜHLEMANN Giannetta, Balthasar Neumann Chor und Ensemble, dir.: Pablo HERAS-CASADO, Rolando VILLAZON, mise en scène, Nele MÜNCHMEYER , directeur vidéo, Enregistré en direct au Festspielhaus de Baden-Baden
2014- 136'- bonus 29'- NTSC-16:9- 0- PCM STEREO- DTS 5.0- sous titre en italien, allemand, anglais, français, espagnol, chinois, coréen- Deutsche Grammophon 00440 073 4933
Les qualités techniques de cet enregistrement de l' « Elixir d'Amour » -photo et cadrages travaillés bien éclairés, travail de montage recherché avec plans de coupe ultra rapides (pour l'allusion au côté saccadé du cinéma muet)- réussissent pour le DVD le pari insensé de Rolando Villazon : un metteur en scène mexicain dans une salle d'opéra allemande avec une œuvre italienne transposée dans un studio de cinéma américain ! Ajoutez le Far-Ouest des Western Spaghettis, des personnages inspirés des héros de Luky Luke, King Kong, Charlie Chaplin, Buster Keaton, Cantinflas et le Pierrot lunaire échappé d'une commedia dell' arte... cela fait beaucoup ! Si la profusion est l'élément naturel du ténor-metteur-en-scène, il frôle la dispersion. La simple commedia dell'arte pouvait amplement combler ses aspirations... une autre fois peut-être, lors d'une nouvelle mise en scène ? Mais il est vrai que Donizetti s'est amusé à parodier, et ici, la parodie de la parodie s'inscrit dans la même ligne. L'artifice belcantiste qui permet d'accéder à une perception différente du réel et une autre forme de vérité, trouve justement son écho dans les artifices du cinéma. Le décor de carton s'effondre lorsque la « façade » de Némorino s'effondre. « Tu ne sais pas quel cœur bat sous cet humble vêtement » s'exclame t-il à bout de forces, seul personnage qui ne ment pas au milieu de ce peuple de fantoches. Lorsqu'Adina, la riche et belle propriétaire découvre la vérité des sentiments, Donizetti la fait vocaliser jusqu'à la fin « Reçois de moi ta liberté. Il n'est de sort si dur qu'un jour ne changera. Il te dit la vérité si tu as foi en ton cœur. Je t'aime d'amour » culminant en ivresse de virtuosité. Les héros sont seuls sous la lune et les nuages échappés d'un tableau de Magritte. Le bric à brac du « cinéma » a disparu. Remarquable progression parfaitement fidèle aux codes baroques ! Alors, certes, la succession de gags, de postures stéréotypées, peut sembler exagérée- lorsqu'Adina veut parler elle tire un coup de feu en l'air, criant « Ecoutez -moi ! » et un gros vautour en plastic choit à ses ses pieds, mais l'idée est belle. Côté musical, si le Balthasar Neumann Chœur et Ensemble que dirige Pablo Heras Casado sonne bien et avec l'entrain qui convient, les déplacements et mouvements de foule occasionnent quelques décalages tandis que les contorsions des personnages peuvent oblitérer leur chant et agacer à la longue. Au delà des outrances, Rolando Villazon-ténor offre un chant très beau, admirablement phrasé qui culmine avec « Una furtiva lagrima », applaudie frénétiquement par toute la salle comme si tout ce qui précédait conduisait à cet instant parfait. En cela, Rolando Villazon se révèle aussi grand chanteur qu'efficace metteur en scène. Les autres rôles petits et grands, sont bien tenus, à commencer par Miah Persson, Adina blonde de cinéma, brillante et tendre (dernière scène). Le Belcore de Roman Trekel a la suffisance et le punch qui conviennent quoique physiquement et vocalement peu latin tandis que Dulcamara-sorcier indien trouve en Ildebrando d'Arcangelo la séduction, le panache de l'escroc opportuniste et trop beau qui dupe tout le monde. Remarquable Giannetta de Regula Mühlemann transformée en scripte aussi ravissante que pétillante actrice. Comme la salle, la troupe s'amuse beaucoup à participer dans la joie à un tel spectacle. Olas enthousiastes aux saluts!
Bénédicte Palaux Simonnet