On fête Mozart à Yale

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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) : Concertos pour piano et orchestre n° 11 K. 413, dans un arrangement par le compositeur pour quatuor à cordes et piano ; Concerto pour piano et orchestre n° 23 K. 488 ; Concerto pour deux pianos et orchestre n° 10 K. 365. Robert Blocker et Peter Frankl, pianos, Quatuor Statera, Yale Philharmonia, direction  : William Boughton. 2020. Livret en anglais. 73.32. Nimbus NI 6394.

Il y a dans le Concerto pour piano n° 11 de Mozart, composé au détour des années 1781/1782 avec ses voisins K.414 et 415, une irrésistible envie de plaire à l’aristocratie viennoise à travers des compositions brillantes, « si compréhensibles qu’un cocher pourrait les chanter ensuite » comme le dira Wolfgang Amadeus dans une lettre à son père. Il faut reconnaître que tout au long de ces vingt-trois minutes de finesse efficace et d’élégance savoureuse, le charme est de mise. Le présent CD en propose la version avec quatuor à cordes arrangée par Mozart lui-même, dont il proposa la publication à l’éditeur Sieber afin que sa partition puisse trouver place dans n’importe quel lieu. Excellente idée de mettre en évidence une autre facette de ces pages lumineuses qui trouvent leur éclat aussi bien avec orchestre qu’avec quatre instruments. C’est dans le cadre de la Yale School of Music de New Haven dans le Connecticut, établissement qui est l’une des douze écoles professionnelles de l’Université de Yale et donne accès à une maîtrise ou un doctorat en musique, que ce projet a été réalisé. Le pianiste Robert Blocker, né en 1946, est Doyen de cette Yale School après avoir connu une carrière qui l’a amené à se produire dans le monde entier. Dans cet arrangement, il a pour partenaire le Quatuor Statera (Kate Arndt, Gregory Lewis, Marta Lambert et Guilherme Nardelli Monegatto) formé dans la même école de Yale et très attiré par des partitions contemporaines. Ce qui ne l’empêche pas d’apporter au jeu tout en nuances de Blocker le partenariat qui lui convient, dans cette optique légère et accessible que Mozart a souhaité lui conférer. On sera séduit par cet arrangement peu enregistré, tout en se souvenant que la firme suisse Doron a proposé en 2017 un album des concertos 11 à 14 par Sylviane Deferne et l’Ernest String Quartet salué par la presse. 

C’est encore Robert Blocker qui officie dans le Concerto n° 23 K. 488 de 1786, alors que Mozart termine la composition des Noces de Figaro. L’œuvre est archi-connue, en particulier pour son Adagio central, d’une forte charge émotionnelle et dramatique, maints commentateurs n’hésitant pas à écrire que Mozart y met à nu son âme solitaire. Blocker apporte à ce mouvement son juste poids de mélancolie, tout comme il anime les rythmes nobles de l’Allegro introductif ou l’énergie contagieuse de l’Allegro assai qui conclut cette page exaltante. Ici, puisque nous sommes à Yale, honneur à la phalange locale de belle facture, le Yale Philharmonia mené par William Boughton, chef anglais qui compte à son actif de nombreux enregistrements, souvent à la tête du Philharmonia, du Royal Philharmonic ou du Symphonique de Londres. 

Peter Frankl se joint à Robert Blocker pour le Concerto pour deux pianos K. 365 de 1779, que Mozart a destiné à sa sœur Nannerl et à lui-même. Le compositeur aura à cœur cette partition à laquelle il joindra deux clarinettes, deux trompettes et des timbales dans une nouvelle instrumentation des deux premiers mouvements en 1782. Cette œuvre, dans laquelle l’influence de l’école de Mannheim est perceptible, recèle un grand élan d’enthousiasme et jouit d’une incomparable fraîcheur de ton dans un échange souvent jouissif qui peut même prendre des accents jubilatoires. Peter Frankl et Robert Blocker optent plutôt pour la carte de la fluidité et du chant partagé, ce qui confère à leur version une vivacité ludique plaisante et marquée par la complicité. Frankl, pianiste hongrois naturalisé anglais, est né à Budapest en 1935. Il a été premier prix du Concours Long-Thibaud en 1957 et s’est fait saluer par la critique internationale pour ses gravures de Chopin ou de Liszt et ses intégrales de Debussy et de Schumann. En 1988, il a été nommé professeur de musique à Yale, ce qui explique sa présence dans ce CD Nimbus éloquent quant au niveau pratiqué à New Haven. Mozart est en tout cas très bien servi dans cet enregistrement effectué en mars 2018 pour les K. 365 et 488, et en mars 2019 pour le K. 413

Son : 9   Livret : 8.  Répertoire : 10  Interprétation : 8

Jean Lacroix

 

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