Trésor vivant de Finlande

par

PIAE CANTIONESAndrew LAWRENCE-KING. Utopia Chamber Choir.  Enregistré à Riihimäki Garrison Church, Finlande (mai et août 2017). 2019 - 74’- présentation et livret en anglais-textes chantés en latin médiéval, suédois et finnois -  ALIA VOX AV 9932

Les premiers habitants finno-ougriens de Laponie tenaient à leurs traditions. Elles ont résisté aux assauts des tribus germaniques, migrations venues de l’Oural, envahisseurs scandinaves et raids vikings. Et lorsque la christianisation de la Suède en 1157 gagne la Finlande avec l’arrivée d’Eric IX, la transmission orale est restée vivace. A Turku, capitale fondée cent ans plus tard, paraît la première édition des Piae Cantiones (1582). Certaines pièces ont pu être datées du premier millénaire (Divinum mysterium par exemple) grâce aux recoupements avec divers manuscrits notamment français ; la plupart appartiennent au XIVe siècle tandis que d’autres annoncent la polyphonie de la Renaissance (Jesu Dulce). Réunies pour servir de répertoire aux étudiants de Turku, ces partitions célèbrent essentiellement la Nativité (Puer natus in Betleheim) mais associent volontiers l’Histoire Sainte au renouveau du printemps -Tempus adest floridum (Le temps des fleurs est venu) ou encore Cedit hiem eminus (L’hiver s’en est allé), où les oiseaux sifflent à cœur joie. Au moment de la Réforme, quelques auteurs zélés tentèrent en vain de remplacer les allusions à Marie par le nom de Jésus avec des résultats discutables. Suède et surtout Bohême vinrent également enrichir un corpus encore en usage aujourd’hui dans les Assemblées chrétiennes finlandaises et dans le monde anglo-saxon (base d’exercices d’improvisation et éléments des « Christmas Carols »). C’est dire l’émotion et l’intérêt suscités par cet enregistrement : il apporte, en effet, vitalité, imagination et contraste aux recherches et interprétations existantes (Retrover Ensemble, Naxos, 1998).

Pour diriger cette nouvelle réalisation d’ Alia Vox, Jordi Savall a choisi le harpiste et musicien virtuose Andrew Lawrence-King. A la tête du Chœur de Chambre Utopia, ce dernier témoigne d’une inventivité pleine de fraîcheur autant que d’une richesse d’instrumentation toujours adaptée au style de chaque pièce. Les grands moments de jubilation populaire (Laus Virginis Nati sonat, Gaudete) mettent à contribution carillons, chants d’oiseaux, Hurdy-Gurdy (vielle à roue heureusement discrète), psaltérion, kantele (cithare nationale), jouhikko (lyre à archet venue de Norvège) et orgues portatifs des plus variés. Viennent s’y ajouter de curieuses sonorités aigrelettes, des «klaxons» et des percussions obsédantes. Le Laus Virginis Nati sonat  presque tribal en devient hypnotisant. Le pittoresque dansant, la ferveur dénudée parfois proche du grégorien (Angelus) se mettent réciproquement en valeur. L’épopée s’illustre avec Ramus virens olivarum (Le vert rameau d’olivier) qui célèbre le pèlerinage du Roi de Suède, comparé à Noé, venu évangéliser la Finlande -figurant sur la très belle couverture du livret. L’alternance entre voix graves et aiguës, unisson, contrepoint en combinaisons changeantes épicent agréablement l’audition. Sans esprit de reconstitution, le rapport de ces peuples septentrionaux avec la nature, les espaces infinis de lacs et de forêts, les traditions simples et joyeuses transparaît à chaque page. O quam mundum : «O qu’il est bon d’être ensemble chantant des psaumes», résume parfaitement l’esprit qui préside à cet enregistrement.

Son : 10  Livret : 10   Répertoire : 10  Interprétation : 10

Bénédicte Palaux Simonnet

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