Patrick Davin sauve une mise en scène acrobatique
Les Pêcheurs de Perles à l'Opéra National du Rhin
Ce que je retiens surtout de la production des « Pêcheurs de Perles » de l’Opéra National du Rhin ? Le niveau musical grâce au travail de Patrick Davin à la tête de l’Orchestre Symphonique de Mulhouse et les prestations des chanteurs. Ensemble ils ont fait honneur à la partition du jeune Bizet, une partition qui avait été remaniée plus d’une fois. Patrick Davin et le metteur en scène Vincent Boussard ont établi une version mixte dictée par des raisons dramatiques et les impératifs de la mise en scène.
Car Vincent Boussard exclut tout exotisme. Pas de Ceylan, pas de danses orientales, pas de coureur de bois, pas de rituels hindous, pas même des pêcheurs de perles. Zurga, le chef du clan est transformé en musicien (Bizet ?) qui se débat avec sa partition et ses personnages. Au milieu de la scène vide, entourée d’un hémicycle (théâtre ?) où le chœur est relégué la plus part du temps, se trouve un piano à queue (décor Vincent Lemaire). Meuble unique et important qui sert d’instrument de musique, table de travail, cime à conquérir, piédestal, siège de pouvoir et j’en passe. Zurga s’y débat avec lui-même et son sort et le piano flanchant illustrent sa défaite. Toujours sur le piano apparait Leïla complètement drapée dans un immense voile qui couvre aussi le plateau entier et reste longtemps immobile comme une icône. Plus tard la scène sera couverte d’eau tandis que des images vidéo évoquent une mer tour à tour calme ou en furie. La signification de tout cela n’est pas toujours très claire et les chanteurs pataugeant dans l’eau pas spécialement favorable à une action dramatique convaincante. D’accord pour la métaphore mais une fois de plus un metteur en scène a complètement rejeté le livret original pour imposer sa propre interprétation et ignoré la dramaturgie musicale.
Heureusement la musique était plus fidèlement servie par Patrick Davin qui sait faire ressortir les qualités de la partition, son élégance, transparence et beau coloris. Annick Massis apportait à Leïla tout son art et son style raffiné, sa maitrise du souffle, son élocution remarquable et son soprano souple et radieux. Sébastien Guèze était un Nadir jeune et fougueux à la voix solide mais pas toujours assez contrôlée surtout dans sa romance. Splendide prestation d’Etienne Dupuis comme Zurga au baryton sonore d’une belle couleur et avec une remarquable projection du texte. En plus il se révélait excellent acteur qui se pliait à toutes les exigences et acrobaties de la mise en scène. Comme Nourabad, personnage ici quasiment exclu de l’action, Jean Teitgen faisait entendre une voix de basse solide. Bonne prestation des chœurs dirigés par Michel Capperon qui, comme Patrick Davin, venait saluer chaussé de bottes de caoutchouc !
Erna Metdepenninghen
Strasbourg, le 28 mai 2013